Drame sur Kick : la mort de Jean Pormanove relance le débat sur la responsabilité des plateformes de streaming
Dans la nuit du dimanche 17 au lundi 18 août, un événement tragique a bouleversé la communauté du streaming français et bien au-delà : le décès en direct de Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Groven, ancien militaire de 46 ans suivi par près de 500 000 abonnés sur la plateforme Kick. Ce drame, survenu devant des milliers de spectateurs, a provoqué une onde de choc sur les réseaux sociaux et dans le monde du streaming, et pose de manière brutale la question de la modération en ligne et de la responsabilité des plateformes.
Une figure du streaming français marquée par la violence
Jean Pormanove, personnalité bien connue de Kick, s’était fait remarquer ces derniers mois par des diffusions au ton souvent tendu, où il apparaissait régulièrement aux côtés d’un collectif de streameurs. Plusieurs témoignages laissent entendre que l’homme, décrit comme sensible et parfois fragile, aurait été victime de véritables violences psychologiques et physiques au fil des diffusions. Selon certains internautes, ces séances ressemblaient davantage à des humiliations publiques qu’à des moments de divertissement.
Parmi ses compagnons de stream figuraient notamment Naruto et Safine, deux streameurs ayant déjà été interpellés par la police en janvier 2025, dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Nice pour « violences en réunion » et « harcèlement moral ». Si les deux hommes avaient finalement été relâchés, les soupçons persistaient sur leur rôle dans ce qui ressemblait à une mise en scène répétée de mauvais traitements, retransmis en direct sous les yeux d’une communauté parfois complice, parfois révoltée.
Le drame en direct et la réaction immédiate de Kick
Dans la nuit fatidique, Jean Pormanove s’est effondré devant la caméra, entouré de ses deux comparses. Les images, insoutenables, ont circulé rapidement sur les réseaux sociaux avant d’être massivement supprimées, mais l’émotion a déjà gagné les internautes. Même au-delà des frontières françaises, des artistes et personnalités, dont certains rappeurs américains très suivis, ont exprimé leur choc et leur tristesse.
Face à l’ampleur de la polémique, la plateforme Kick, connue pour sa politique de modération plus souple que Twitch, son concurrent direct, n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué publié le mercredi 20 août sur X (anciennement Twitter), les dirigeants du site ont annoncé le bannissement de « tous les co-streameurs » présents lors du drame, le temps que l’enquête judiciaire fasse toute la lumière sur les circonstances du décès.
« Nous sommes profondément attristés par la disparition de Jean Pormanove et adressons nos sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à sa communauté. Tous les co-streameurs ayant participé à cette diffusion en direct ont été bannis dans l’attente de l’enquête en cours », a écrit Kick, tout en affirmant vouloir collaborer pleinement avec les autorités.
La plateforme a également annoncé la fin de sa collaboration avec une agence française de gestion des réseaux sociaux et le lancement d’un audit complet de ses contenus francophones, affirmant vouloir renforcer la sécurité des créateurs et prévenir de nouvelles dérives.
Une réponse qui indigne les internautes
Mais cette réaction, jugée trop tardive par beaucoup, n’a pas convaincu. Sur X, les critiques ont rapidement fusé contre la plateforme. De nombreux internautes accusent Kick d’avoir fermé les yeux sur des pratiques abusives qui duraient depuis des mois et d’avoir permis que l’humiliation de Jean Pormanove devienne un spectacle récurrent pour attirer des spectateurs et générer des revenus.
« Pourtant cette humiliation quotidienne vous faisait bien rire à l’époque », « C’est votre faute », « Vous devez payer les conséquences pour avoir autorisé ce contenu », pouvait-on lire en masse sous les publications de Kick. Cette colère traduit un malaise plus large : celui d’un écosystème de streaming où la recherche d’audience conduit parfois à franchir des limites éthiques et humaines.
Une enquête judiciaire en cours
Sur le plan judiciaire, le parquet de Nice a confirmé l’ouverture d’une enquête pour « recherche des causes de la mort ». Une autopsie doit être réalisée dans les prochains jours afin de déterminer avec précision les circonstances du décès de Jean Pormanove.
Naruto et Safine, déjà connus de la justice dans cette affaire, vont être de nouveau entendus, cette fois en qualité de témoins. Les enquêteurs cherchent à savoir si la victime a succombé à des violences, à un malaise ou à une autre cause aggravée par le contexte de harcèlement présumé.
L’avocat de Naruto, Me Yassin Sadouni, a rapidement réagi, affirmant que son client « n’a aucune responsabilité dans ce décès » et qu’il « se tient à la disposition des enquêteurs ». Il a également annoncé son intention de déposer plainte pour « cyberharcèlement », dénonçant la vague d’insultes et de menaces dont son client est la cible depuis le drame. Les streameurs concernés restent, à ce stade, présumés innocents.
Une « horreur absolue » pour le gouvernement
Du côté des autorités, la réaction ne s’est pas fait attendre. Clara Chappaz, ministre en charge du Numérique, a dénoncé une « horreur absolue » et a annoncé avoir saisi l’Arcom, le régulateur français de l’audiovisuel et du numérique, ainsi que Pharos, la plateforme gouvernementale de signalement des violences en ligne.
Cette prise de position traduit une volonté politique de mieux encadrer un secteur en pleine explosion, où les frontières entre divertissement, provocation et maltraitance sont parfois brouillées. Elle pose aussi la question de la responsabilité légale des plateformes étrangères, comme Kick, lorsqu’elles hébergent des contenus jugés dangereux ou nuisibles.
Le débat sur la modération relancé
Ce drame ravive le débat sur les politiques de modération dans le streaming. Contrairement à Twitch, qui a multiplié les sanctions et renforcé ses règles ces dernières années, Kick a bâti sa réputation sur une approche plus permissive, attirant des créateurs séduits par cette liberté. Mais cette souplesse est aujourd’hui pointée du doigt comme l’une des causes indirectes de la tragédie.
Les observateurs notent que la plateforme pourrait désormais être contrainte de revoir profondément sa stratégie, au risque de perdre une partie de son attractivité. Car si les internautes recherchent parfois des contenus plus crus et moins filtrés, la ligne rouge est franchie lorsque cette liberté se transforme en scène de violence ou d’humiliation.
Une communauté en deuil
Au-delà des polémiques, la communauté de Jean Pormanove est en deuil. De nombreux messages d’hommage circulent sur les réseaux sociaux, saluant un homme décrit comme généreux, authentique, et passionné de streaming. Plusieurs de ses abonnés rappellent que, derrière les écrans, il y a avant tout des êtres humains, avec leurs fragilités et leurs souffrances, qui ne devraient jamais devenir des objets de spectacle.
La mort de Jean Pormanove restera comme un tournant dans l’histoire récente du streaming français. Elle met en lumière les dérives possibles d’un milieu encore jeune, où la quête de visibilité peut mener à l’extrême, et où la modération insuffisante des plateformes ouvre la porte à des dérives parfois fatales.
👉 Ce drame soulève des questions qui dépassent le cas particulier de Jean Pormanove : jusqu’où doit aller la liberté d’expression en ligne ? Quelles responsabilités portent les plateformes lorsqu’elles tirent profit de contenus humiliants ou violents ? Et comment protéger les créateurs vulnérables dans un univers où le public peut se transformer en juge implacable ?
Autant de débats qui, à n’en pas douter, continueront d’animer les prochains mois, alors que l’enquête judiciaire suit son cours et que le monde du streaming tente de tirer les leçons de cette tragédie.