Un chien errant apporte des feuilles au magasin tous les jours ; son propriétaire fond en larmes après avoir appris pourquoi.
Frank Mitchell, ancien soldat de cinquante-huit ans, vivait reclus à Pinewood, petite ville de Géorgie. Depuis la mort de sa femme Margaret deux ans plus tôt, il ne s’ouvrait plus à personne, tenant son magasin général comme une forteresse. Ses journées se succédaient dans un silence routinier… jusqu’au jour où un berger allemand famélique, traînant une patte, apparut devant sa porte, tenant dans sa gueule une feuille.
Ce chien, surnommé par les habitants “le chien à la feuille”, revenait chaque jour, offrant une feuille différente. Frank, d’abord agacé, tentait de le chasser. Mais la persistance silencieuse de l’animal, sa dignité malgré la maigreur, finirent par fissurer les murs que Frank avait construits autour de lui. Encouragé par Martha Sullivan, une vieille amie bienveillante, Frank finit par lui donner de la nourriture et de l’eau.
Une étrange routine s’installa : chaque matin, le chien – bientôt appelé Max – apportait sa feuille, et Frank lui donnait à manger. Mais un soir d’orage, Max disparut. Trois jours passèrent sans signe de lui. Inquiet, Frank commença à comprendre que cet animal comptait plus qu’il ne voulait l’admettre.
Lorsque Max revint enfin, trempé et épuisé, il portait dans sa gueule un morceau de tissu militaire taché de sang. Comprenant que quelque chose n’allait pas, Frank, armé d’une lampe et de son vieux Glock, suivit le chien, accompagné de Martha. Max les mena à travers bois jusqu’à une cabane abandonnée, où des voix d’hommes et des lumières suspectes filtraient. En contournant la cabane, ils découvrirent un vieux hangar délabré.
À l’intérieur, Frank et Martha trouvèrent six chiots, maigres et transis, nichés dans la paille. Leur mère gisait morte dans un coin. Les traces de matériel spécialisé et les marques militaires sur le collier invisible de Max révélèrent l’impensable : ces chiens appartenaient à un programme d’élevage de l’armée, volés pour être vendus au marché noir. Max, sans doute un chien militaire lui-même, protégeait la portée depuis la mort de la mère.
Entendant les trafiquants approcher, Frank et Martha se cachèrent. Les hommes parlèrent d’une “livraison” prévue le lendemain. Décidés à sauver les chiots, Frank et Martha improvisèrent un plan : transporter les petits en plusieurs allers-retours à travers la forêt jusqu’à la ville. Mais la nuit et le terrain boueux ralentissaient leur fuite. Pire, les hommes découvrirent la disparition des chiens et commencèrent à fouiller la forêt.
Alors qu’ils se cachaient sous un tronc déraciné, Max, comprenant le danger, s’élança pour détourner les poursuivants. Son aboiement attira les hommes loin de Frank et Martha, leur permettant d’avancer. Mais à l’aube, près d’une route forestière, ils croisèrent les trafiquants bloquant le passage. Le destin intervint : le shérif Bill Hawkins arrivait en patrouille. Max, épuisé, sortit de la forêt pour attirer son attention. L’un des trafiquants leva un fusil et tira.
Frank se rua vers le chien blessé, le sang se répandant sur la route. Bill fit fuir les criminels et aida Frank à porter Max jusqu’à la voiture. Ils ramenèrent aussi Martha et les chiots au cabinet vétérinaire local. Max, grièvement touché, lutta entre la vie et la mort.
Alors que le vétérinaire Dr Reynolds opérait, un capitaine de l’US Army, Daniel Westbrook, arriva. Il révéla que Max était en réalité le sergent Maxwell, l’un des chiens militaires les plus décorés de l’histoire de l’armée, disparu avec son maître lors d’un exercice. Son conducteur, le lieutenant Reeves, avait été tué en tentant de protéger Max. Depuis, le chien continuait seul sa mission : sauver sa portée, issue d’un programme génétique militaire classifié.
Max survécut, mais resta marqué par une boiterie. Les chiots, soignés et nourris, furent placés dans des familles ou intégrés à des programmes de service. L’un devint chien policier, un autre chien de sauvetage en montagne, et le plus petit, que Frank avait porté contre son cœur toute la nuit, se révéla capable de détecter les crises d’épilepsie et fut adopté par la clinique vétérinaire.
Un an plus tard, le magasin de Frank avait changé de nom : Mitchell et Max – Magasin Général. Un petit espace y était dédié aux animaux, et Frank aidait désormais à placer les chiens errants. Max, officiellement à la retraite et adopté par Frank, gardait la boutique avec la même vigilance que sur le champ de bataille.
Les criminels furent arrêtés et condamnés, et la ville inaugura un centre d’entraînement canin au nom du lieutenant Reeves. Frank, invité à parler lors de la cérémonie, jeta un regard vers une vitrine derrière son comptoir : une feuille de chêne pressée, la première que Max lui avait offerte, à côté d’une photo de lui avec Max et les chiots, tous devenus héros à leur manière.
« Certaines histoires valent la peine d’être racontées », dit-il, caressant la tête de Max. Le chien leva les yeux, et sa queue battit doucement, comme pour dire qu’il savait depuis le début que cette feuille changerait tout.