Koh-Lanta, saison 19 : sept ans après l’annulation, les coulisses se dévoilent enfin

Le 11 mai 2018, à minuit pile, un communiqué tombait dans les boîtes mail des rédactions : « Le tournage de la nouvelle édition de Koh-Lanta annulé. » L’annonce, signée par Adventure Line Productions (ALP), prenait de court les médias… et les fans du jeu d’aventure phare de TF1. Quelques heures plus tard, la chaîne devait diffuser le neuvième épisode de Koh-Lanta : Le combat des héros, édition all stars tournée plusieurs mois plus tôt.

Ce n’était pas la première fois que le programme subissait un coup d’arrêt brutal. En 2013, la saison 13, tournée au Cambodge, avait été définitivement interrompue après le décès du candidat Gérald Babin, victime d’un malaise cardiaque. Mais en 2018, la raison était tout autre : un « événement extérieur au jeu » impliquant deux participants, survenu dans la nuit du 8 au 9 mai, aux Fidji.

Un incident grave et des versions opposées
Dans un second communiqué, Alexia Laroche-Joubert, alors présidente d’ALP, précisait qu’« une concurrente a fait état de faits susceptibles de relever d’une agression sexuelle » et que « ces faits sont formellement contestés par le concurrent concerné ». La production, estimant que le tournage ne pouvait se poursuivre « dans des conditions suffisamment sereines », mettait fin à l’aventure.

La concurrente en question, Candide Renard, alors âgée de 21 ans, a déposé plainte dès son retour en France contre Eddy Guyot, 34 ans. Selon le procureur de la République de Nancy, François Pérain, elle a affirmé s’être réveillée en pleine nuit alors que Guyot l’embrassait et lui faisait des attouchements sous ses vêtements. Celui-ci a toujours nié fermement, livrant sa propre version dans la presse.

Si la plupart des candidats de cette saison annulée ont été invités à observer le silence médiatique, quelques voix dissonantes se sont fait entendre. Sous couvert d’anonymat, un membre de l’équipe des Jaunes déplorait une ambiance parfois immature et superficielle. Un autre témoignage anonyme, cité par Télé Star, décrivait Guyot comme « quelqu’un de bien » et Renard comme un « élément provocateur ».

Des retours discrets… jusqu’à aujourd’hui
Sur les 21 candidats prévus au casting, seuls cinq ont eu l’occasion de revenir dans l’émission lors de saisons ultérieures : Sam Haliti et Pholien Systermans (L’île des héros, 2020), Aurélien Tesson et Hervé Comte (Les armes secrètes, 2021), et Fouzi Ould Bouamama (Le totem maudit, 2022). Tous, jusqu’ici, avaient évité de s’exprimer en détail sur leur première expérience aux Fidji.

Sept ans plus tard, la donne change. Sur la chaîne YouTube de Claym & Co, plusieurs protagonistes de cette édition 2018 ont accepté de lever un coin du voile.

Un candidat « ingérable » selon ses coéquipiers
Hervé Comte, membre de l’équipe des Rouges aux côtés de Candide Renard et d’Eddy Guyot, raconte un début d’aventure déjà compliqué. Selon lui, Guyot était « ingérable » dès le voyage vers l’archipel. « La production avait voulu l’écarter à deux reprises avant le tournage, mais ils ont fini par le garder parce qu’il allait faire le buzz », explique-t-il, le comparant à Moundir à ses débuts en 2003.

Les premiers jours se déroulent pourtant selon un scénario classique, inspiré de celui qui sera réutilisé en 2019 pour Koh-Lanta : La guerre des chefs. Dès l’arrivée, les 21 aventuriers disputent l’épreuve mythique des poteaux. Sam Haliti l’emporte devant Jimmy Desroches et Charlotte, devenant ainsi chef de l’équipe des Rouges.

Les équipes et un abandon rapide
Les équipes sont alors formées :

Rouges : Sam choisit Aurélien, Fouzi, Frank Payen, Florence, Mélanie et Sarah.

Jaunes : Jimmy prend Pholien, Alain Lecluse, Rémi, Célia, Marie-Noëlle et Sylvie.

Bleus : Charlotte sélectionne Hervé, Eddy, Candide, Fabien, Aurélie et Joséphine.

Mais dès le premier conseil, la doyenne Sylvie est éliminée chez les Jaunes. L’abandon de Sam, blessé, entraîne son transfert chez les Rouges. L’ancien champion de France de karaté, Frank Payen, évoque sur Facebook des conditions de survie difficiles : pluie, nuits glaciales, moustiques omniprésents, et même des envies d’abandon chez certains.

Une attente éprouvante avant le tournage
Pour Alain Lecluse, ex-boxeur de 57 ans et membre des Jaunes, les difficultés avaient commencé avant même la première épreuve. La météo capricieuse avait retardé le lancement, obligeant les candidats à rester enfermés six jours dans leur hôtel, sans aucun contact extérieur. Un huis clos qui avait créé frustration, impatience et tensions.

« Sportivement, le casting était solide, la saison promettait beaucoup », se souvient-il. Deux épreuves avaient déjà été jouées : les Jaunes perdent l’immunité mais remportent le confort. Puis survient la nuit fatale du quatrième au cinquième jour…

L’incident et ses suites judiciaires
Ce qui s’est précisément passé sur le camp des Rouges reste confidentiel tant que la justice n’a pas tranché. Mais les conséquences sont connues : tournage stoppé, candidats rapatriés, et une affaire désormais entre les mains du parquet de Nancy.

Le 16 novembre 2022, Eddy Guyot a été mis en examen, information révélée par Le Parisien. Il conteste toujours les faits. Sa requête visant à annuler cette mise en examen a été rejetée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nancy le 14 mars 2024.

Un tournage fantôme devenu mythe
Cette saison 19, jamais diffusée, est devenue un mythe pour les fans de Koh-Lanta. Entre promesse d’une aventure intense, casting jugé solide, et arrêt brutal, elle incarne à la fois le potentiel et la fragilité du programme.

Aujourd’hui, grâce aux témoignages tardifs de ses participants, on mesure mieux l’ambiance électrique qui régnait dès les premiers jours : tensions interpersonnelles, caractères explosifs, conditions météo hostiles et un huis clos prolongé qui a exacerbé les nerfs.

Mais l’ombre de l’affaire judiciaire plane encore sur ce récit. Tant que la justice n’aura pas rendu son verdict, la vérité sur cette nuit de mai 2018 restera partielle. Ce qui est certain, c’est que cette édition avortée a marqué un tournant dans l’histoire de Koh-Lanta — et continue, sept ans après, de susciter interrogations et débats.