David Pujadas met en garde Léa Salamé : “Elle a plus à perdre qu’à gagner”
Pendant seize années, David Pujadas a été l’un des visages les plus familiers de France 2. Aux commandes du 20 heures de la chaîne publique de 2001 à 2017, il a incarné, soir après soir, ce rendez-vous télévisé incontournable pour des millions de Français. Neuf ans après son départ forcé, le journaliste, désormais installé sur LCI, observe avec attention les mouvements au sein de son ancienne rédaction. Et l’arrivée prochaine de Léa Salamé au 20 heures ne le laisse pas indifférent.
Le lundi 25 août prochain, Léa Salamé fera ses grands débuts à la tête du journal télévisé du soir sur France 2. Après plusieurs semaines d’hésitation, l’animatrice de Quelle époque a finalement accepté ce défi aussi prestigieux que risqué : succéder à Anne-Sophie Lapix, qui a tenu ce poste pendant huit ans. Une nomination qui, pour David Pujadas, soulève de nombreuses interrogations.
Un poste prestigieux… mais piégé
Anne-Sophie Lapix avait elle-même succédé à David Pujadas en septembre 2017, après que ce dernier eut été remercié par la direction de France Télévisions. Un départ alors très commenté, tant le journaliste semblait solidement ancré dans ce fauteuil. Mais comme il le rappelle aujourd’hui, rares sont celles et ceux qui quittent volontairement le trône du 20 heures : la plupart des “reines” et “rois” de ce rendez-vous finissent, un jour ou l’autre, par être débarqués.
La télévision française a connu plusieurs exemples marquants : sur TF1, Claire Chazal ou Patrick Poivre d’Arvor, pourtant icônes du JT, ont eux aussi été poussés vers la sortie.
C’est donc avec une certaine prudence que Pujadas accueille l’annonce de la nomination de Léa Salamé. Interrogé par Gala, il se dit “surpris” par ce choix, estimant que l’animatrice pourrait se retrouver piégée dans un rôle qui ne correspond pas à sa nature profonde.
“Elle a plus à perdre qu’à gagner”
Pour David Pujadas, le risque est grand.
“Elle a plus à perdre qu’à gagner car le très grand public, pour elle, c’est nouveau. Sa force, c’est sa personnalité qui sort des clous. Or, il va falloir qu’elle rentre dans l’exercice contraint du 20 heures”, analyse-t-il.
Habituée des débats politiques et des interviews sans concession, Léa Salamé s’est construit une image de journaliste libre, parfois impertinente. Mais le 20 heures obéit à un format strict : rythme imposé, ton mesuré, hiérarchie de l’information décidée en amont… un carcan qui pourrait brider celle qui s’est fait connaître par sa spontanéité et sa franchise.
Un virage inattendu
Ce qui surprend encore plus Pujadas, c’est que Léa Salamé elle-même ne semblait pas envisager un tel virage professionnel.
“Elle m’a toujours dit qu’elle n’irait jamais dans cette direction”, confie-t-il.
Pour lui, l’animatrice a déjà atteint un sommet dans sa carrière : elle est une figure populaire du paysage audiovisuel, avec une réputation solidement installée. En rejoignant le 20 heures, elle prendrait donc un risque considérable : celui de mettre en jeu cette image, face à un public plus large mais aussi plus exigeant.
Pujadas et le souvenir de son éviction
David Pujadas sait mieux que quiconque combien ce poste peut être instable. Lorsque la direction de France 2 l’a remercié en mai 2017, après seize ans de présentation, il s’attendait à vivre une épreuve douloureuse. Pourtant, sa réaction fut tout autre.
“J’avais toujours imaginé que le jour venu, je ferais une dépression, que ce serait une catastrophe pour mon ego. Mais au moment où cela s’est produit, un sentiment très positif m’est tombé dessus : au lieu de pleurer ce qui allait m’être enlevé, j’ai réalisé tout ce qui m’avait été donné”, raconte-t-il aujourd’hui avec philosophie.
Ce détachement lui a permis de rebondir rapidement sur LCI, où il anime et produit sa propre émission quotidienne, loin des pressions inhérentes à un JT national.
Une pression médiatique énorme
Le poste de présentateur du 20 heures est à la fois un honneur et un fardeau. Chaque soir, plusieurs millions de téléspectateurs scrutent la moindre intonation, le moindre geste. Les réseaux sociaux amplifient cette pression : un mot de travers, un sourire jugé déplacé, et la polémique enfle.
Anne-Sophie Lapix en a fait les frais, notamment lors de ses interviews politiques parfois jugées trop incisives par certains responsables. Claire Chazal, de son côté, avait confié après son éviction de TF1 que cette fonction exigeait une vigilance permanente, usante sur le long terme.
Léa Salamé, un style à préserver
L’enjeu pour Léa Salamé sera donc de trouver un équilibre : conserver ce ton qui a fait sa renommée tout en respectant la rigueur et la neutralité que requiert un journal télévisé de grande écoute. Un exercice d’autant plus délicat que la concurrence est rude : Gilles Bouleau sur TF1 et Karine Baste sur France 3 occupent eux aussi des créneaux d’information de premier plan.
Si elle parvient à imprimer sa marque sans s’attirer de critiques excessives, elle pourrait redéfinir les codes du 20 heures. Mais comme le souligne Pujadas, ce poste ne pardonne pas les faux pas : il offre une visibilité énorme, mais peut aussi précipiter une carrière vers sa fin.
Une passation symbolique
Le départ d’Anne-Sophie Lapix et l’arrivée de Léa Salamé marquent une nouvelle page dans l’histoire du JT de France 2. Depuis les années 80, ce rendez-vous a vu passer des figures emblématiques : Bruno Masure, Claude Sérillon, Daniel Bilalian… et bien sûr David Pujadas, qui a marqué toute une génération de téléspectateurs.
La nomination de Salamé témoigne aussi d’une volonté de renouveler l’image du 20 heures : plus moderne, plus incisif, peut-être plus en prise avec les débats de société. Mais comme l’histoire l’a montré, cette ambition se heurte souvent aux contraintes d’un format institutionnel.
Pujadas, un observateur attentif mais bienveillant
Malgré ses réserves, David Pujadas ne semble pas animé par l’amertume. Il parle de Léa Salamé avec respect, soulignant son talent et son statut rare dans le paysage médiatique :
“Léa est une star, et il n’y en a pas énormément. Sa réputation est faite, sa vie professionnelle, largement accomplie.”
S’il met en garde, c’est davantage en connaisseur du métier qu’en rival. Et s’il insiste sur le risque de ce nouveau rôle, c’est parce qu’il sait que, derrière la lumière des projecteurs, le 20 heures peut aussi être un terrain glissant.
En acceptant ce poste, Léa Salamé s’engage donc dans une aventure où l’exigence est extrême, la visibilité immense, et la marge d’erreur très faible. Reste à savoir si elle saura transformer ce défi en réussite, ou si, comme le prédit Pujadas, le prix à payer sera trop lourd. Une chose est sûre : à partir du 25 août, tous les regards seront braqués sur elle.