“Des propos dénués de nuance” : L’Arcom intervient auprès de CNews après un éditorial de Pascal Praud dans “L’Heure des Pros”
Le régulateur des médias a adressé un rappel à l’ordre à CNews après des propos tenus par Pascal Praud le 6 janvier dernier sur le procès de Nicolas Sarkozy, estimant qu’ils ne respectaient pas les exigences de rigueur et de mesure prévues par la loi.
Le 6 janvier 2025, Pascal Praud consacrait son éditorial de “L’Heure des Pros” sur CNews au procès de Nicolas Sarkozy, accusé d’avoir noué en 2005 un “pacte de corruption” avec le dictateur libyen Mouammar Kadhafi. L’ancien chef de l’État comparaissait depuis ce jour-là, aux côtés de douze autres prévenus, dont trois anciens ministres — Brice Hortefeux, Claude Guéant et Éric Woerth —, un ex-dignitaire libyen et les intermédiaires Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri.
“Les propos tenus en plateau ne satisfaisaient pas aux exigences de mesure, de rigueur et d’honnêteté”
Dans cet éditorial, Pascal Praud avait remis en cause la solidité de l’accusation : “Que penser d’un procès où les preuves manquent ? Que penser d’une accusation qui, jusqu’à ce jour, n’a pas apporté des éléments tangibles pour une condamnation et s’appuie sur les déclarations changeantes d’un homme qui refuse de comparaître devant la justice française, M. Takieddine ?” s’est-il interrogé en direct. “C’est tout l’enjeu d’un procès qui commence aujourd’hui et qui montre l’entêtement, pour ne pas dire l’acharnement, de la justice française à désigner Nicolas Sarkozy comme un coupable dans de nombreuses affaires”, conclut l’animateur vedette de la chaîne. Puremédias vous propose de découvrir la séquence ci-dessus.

Dans un communiqué publié ce 12 août, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a expliqué avoir été saisie à la suite de cette séquence “à la suite de la diffusion“. “Elle a considéré que les propos tenus en plateau, dénués de nuance à l’égard du procès alors en cours, ne satisfaisaient pas aux exigences de mesure, de rigueur et d’honnêteté dans le traitement des procédures judiciaires, en méconnaissance des dispositions de l’article 3 de la délibération du 18 avril 2018″, peut-on lire.
Le régulateur relève également qu’aucune voix discordante n’est venue tempérer ou mettre en perspective ces propos : “Aucune des personnes présentes en plateau n’avait modéré ou mis en perspective ces déclarations, traduisant ainsi un défaut de maîtrise de l’antenne constitutif d’un manquement aux stipulations de l’article 2-2-1 de la convention de la chaîne.” En conséquence, l’Arcom “appelle l’éditeur du service à faire preuve, à l’avenir, d’une vigilance accrue quant au respect de ces obligations“.

L’affaire, instruite depuis plus de dix ans, repose sur un volumineux dossier : 70 tomes, 557 pages d’ordonnance de renvoi, des dizaines d’audiences et des témoins clés comme Ziad Takieddine, qui a multiplié les versions avant de se rétracter et de fuir la justice française. Le Parquet national financier a requis le 27 mars sept ans d’emprisonnement, 300.000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité à l’encontre de Nicolas Sarkozy, estimant qu’il avait accepté un financement occulte en échange de contreparties diplomatiques et économiques à la Libye. L’ancien président a refusé de répondre à ce réquisitoire, le qualifiant de “politique et violent” et affirmant vouloir “défendre [son] honneur“. La décision sera rendue le 25 septembre.
CNews n’en est pas à sa première remontrance de l’Arcom. Ces derniers mois, la chaîne d’information du groupe Canal+ a été régulièrement épinglée pour son traitement jugé partisan de certaines affaires politiques et judiciaires, notamment lors de la condamnation en première instance de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires européens. Le régulateur, saisi à plusieurs reprises, a déjà mis en demeure la chaîne pour non-respect de ses obligations en matière de pluralisme, de rigueur et d’honnêteté de l’information. En février 2024, le Conseil d’État avait même enjoint à l’Arcom de renforcer son contrôle sur CNews, en évaluant non seulement le temps de parole des personnalités politiques, mais aussi l’ensemble des points de vue exprimés par les chroniqueurs, animateurs et invités, afin de garantir l’indépendance et la diversité des opinions diffusées à l’antenne.