L’affaire de la montre disparue : un nouveau mystère dans la saga Delon

La saga autour d’Alain Delon, immense figure du cinéma français, semblait devoir s’éteindre avec sa disparition à l’été 2024. Pourtant, quelques semaines avant que le monstre sacré ne quitte ce monde, un événement inattendu est venu ajouter une nouvelle ombre au tableau déjà complexe de sa succession : le vol présumé d’une montre de grande valeur, mais surtout à la charge symbolique immense. Entre mystère, tensions familiales et héritage disputé, ce nouvel épisode alimente un récit où l’intime et le judiciaire s’entremêlent sans relâche.

Une montre pas comme les autres

L’objet au cœur de cette affaire est une Bulgari Octo Finissimo, modèle haut de gamme reconnaissable à sa finesse et à son allure sobre. Argentée, dotée d’un cadran blanc, elle est estimée à environ 17 000 euros. Une somme importante, certes, mais bien en deçà des fortunes qui s’échangent dans le cadre d’une succession telle que celle d’Alain Delon. Ce qui confère à la pièce une valeur inestimable n’est pas son prix, mais son histoire.

Cette montre, Alain Delon la portait régulièrement dans les dernières années de sa vie. Elle l’accompagnait dans son quotidien, devenant une sorte de talisman. Pour ses proches, elle ne représente pas seulement un bijou, mais un fragment tangible de la mémoire du Guépard. La voir disparaître équivaut à une nouvelle perte, douloureuse, au cœur même du deuil.

Le signalement du vol

C’est le 5 août 2024, soit quelques jours avant la mort de l’acteur, que son fils Anthony Delon se rend à la gendarmerie de Montargis. Il vient y déposer une plainte officielle pour vol, après avoir découvert, à la fin du mois de juillet, que la montre avait disparu.

Le 22 juillet, en ouvrant la gigantesque chambre forte de la demeure familiale de Douchy — une pièce de 200 m² spécialement conçue pour abriter des biens précieux — Anthony s’était heurté à une stupeur glaciale : l’écrin censé contenir la Bulgari était vide.

Les circonstances de ce vol présumé intriguent autant qu’elles inquiètent. La montre était censée reposer dans un lieu quasi imprenable, fermé et sécurisé. Pourtant, rien ne subsiste aujourd’hui de ce précieux objet.

Une chambre forte aux multiples accès

L’enquête est rendue complexe par les conditions particulières de sécurité entourant la chambre forte. En effet, le 19 mai 2024, soit deux mois avant la découverte du vol, une réunion familiale d’importance s’y était tenue. Près d’une quinzaine de personnes avaient été conviées afin d’évoquer la succession du patriarche.

À l’issue de cette rencontre, c’est Alain-Fabien Delon, le benjamin de la fratrie, qui avait verrouillé la pièce. Mais selon Anthony, la clé unique d’accès à la chambre pouvait être manipulée par toutes les personnes présentes ce jour-là. En d’autres termes, le cercle des suspects potentiels est large, et rien ne permet de désigner un auteur.

À cela s’ajoute un problème majeur : aucune caméra de surveillance n’est installée à l’intérieur ou à proximité de la chambre forte. De même, il n’existe aucun registre d’entrées et de sorties permettant de savoir qui a eu accès au lieu dans les semaines suivant la réunion. Ces lacunes de sécurité transforment l’enquête en véritable casse-tête pour les autorités.

Un climat familial déjà empoisonné

Au-delà du vol lui-même, c’est le contexte qui donne à cette affaire une résonance particulière. La disparition de la montre intervient dans une période où les relations entre les enfants d’Alain Delon sont déjà extrêmement tendues.

Si l’objet disparu avait une valeur marchande certaine, il incarnait surtout un lien affectif direct avec le père disparu. Sa perte résonne donc comme un double coup : matériel et émotionnel. Pour une fratrie en deuil, cela constitue une blessure supplémentaire.

Mais cette douleur s’ajoute à un climat familial empoisonné par une bataille judiciaire : la contestation du testament d’Alain Delon.

Le testament contesté

Au cœur de la tempête se trouve Alain-Fabien Delon, le plus jeune des enfants. Estimant que la répartition prévue par le testament n’est pas acceptable, il a pris la décision radicale d’assigner sa sœur et son demi-frère devant le tribunal judiciaire de Paris.

Son objectif : obtenir l’annulation pure et simple du document rédigé par son père. Une démarche que beaucoup jugent brutale, mais qui illustre l’ampleur des tensions internes au clan Delon.

L’un des exécuteurs testamentaires du comédien a d’ailleurs confié que cette initiative allait à l’encontre de ce qu’Alain Delon aurait souhaité. « Il aurait détesté » voir ses enfants s’affronter devant la justice, affirme-t-il, soulignant le contraste entre la volonté supposée du défunt et les choix de sa descendance.

Une enquête à l’issue incertaine

Revenons à la montre. À ce stade, les autorités disposent de peu d’éléments concrets pour faire progresser l’enquête. Le cercle des personnes ayant pu accéder à la chambre forte est trop large. L’absence de preuves matérielles — empreintes, vidéosurveillance, témoins — laisse peu d’espoir de retrouver rapidement l’objet disparu.

S’agit-il d’un vol prémédité, orchestré par l’un des proches ? D’un geste opportuniste, commis lors de la réunion du 19 mai ou dans les semaines qui ont suivi ? Ou bien la montre a-t-elle été déplacée sans que cela ait été consigné, ouvrant la porte à une simple négligence ? Toutes les hypothèses restent ouvertes.

Pour Anthony Delon, en revanche, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un larcin. Sa plainte souligne la gravité de l’affaire et officialise une querelle familiale qui, jusque-là, se jouait essentiellement sur le terrain privé.

La valeur des symboles

Si l’histoire fait autant parler, c’est aussi parce qu’elle touche à quelque chose de profondément humain : la mémoire et l’héritage affectif. Au-delà des villas, des droits d’auteur ou des œuvres d’art qui composent la succession, cette montre représentait un symbole d’intimité avec Alain Delon.

La disparition de cet objet n’est pas simplement un manque matériel ; elle nourrit un sentiment d’injustice et de perte définitive. Elle illustre aussi la difficulté, pour des familles célèbres, de séparer le patrimoine du patrimoine émotionnel.

Une saga sans fin ?

Au moment où l’on croyait tourner la page, la famille Delon se retrouve de nouveau projetée sous les projecteurs, dans un mélange d’affaires judiciaires et de blessures personnelles. Le vol présumé de la montre Bulgari ajoute un chapitre supplémentaire à une histoire où se croisent la légende d’un acteur hors norme, l’intimité d’une famille déchirée et la curiosité insatiable du public.

Pour l’instant, le mystère reste entier. Peut-être la montre refera-t-elle surface un jour, rendant une part de mémoire au clan Delon. Peut-être restera-t-elle à jamais l’un des grands secrets de cette succession mouvementée.

Une chose est sûre : même après sa mort, Alain Delon continue de fasciner, d’intriguer et de diviser.