Mort brutale à 79 ans de cette grande figure du cinéma français

Fils de Robert Dorfmann, l’un des producteurs les plus influents du cinéma français d’après-guerre, Jacques Dorfmann a grandi dans un univers où le septième art n’était pas seulement un divertissement, mais une véritable vocation.

Son père avait marqué l’histoire du cinéma en produisant des films majeurs tels que Jeux interdits de René Clément, Touchez pas au grisbi de Jacques Becker ou encore La Grande Vadrouille, ce monument de la comédie française signé Gérard Oury avec le duo inoubliable Louis de Funès et Bourvil.

Jacques Dorfmann, producteur de "L'armée des ombres" et de "La guerre du  feu", est mort

Héritier de cette tradition familiale et nourri dès son plus jeune âge par la passion du cinéma, Jacques ne tarda pas à s’y engager à son tour. Très tôt, il fit ses armes au sein de la société de production paternelle, où il apprit les rouages d’un métier exigeant, mélange de flair artistique, de rigueur financière et d’audace créative.

À seulement vingt-cinq ans, Jacques Dorfmann se fit remarquer par la production de deux films qui allaient marquer durablement le cinéma français : L’Armée des ombres (1969) et Le Cercle rouge (1970), tous deux réalisés par Jean-Pierre Melville.

 

Ces œuvres, portées par des distributions prestigieuses et une mise en scène d’une intensité rare, devinrent rapidement des classiques. L’Armée des ombres, adaptation du roman de Joseph Kessel, rendait hommage aux résistants français, avec une profondeur et une gravité qui ne laissèrent personne indifférent.

 

Quant au Cercle rouge, polar magistral, il imposa une esthétique du silence, de la tension et de l’épure qui fit école bien au-delà des frontières françaises. Voir un jeune producteur s’imposer si rapidement sur de tels projets montrait déjà à quel point Jacques possédait non seulement l’héritage de son père, mais aussi une vision propre.

Jacques Dorfmann - SensCritique

Les décennies suivantes confirmèrent son rôle de bâtisseur. Dans un cinéma français parfois hésitant entre tradition et modernité, Jacques Dorfmann sut investir dans des projets ambitieux qui pariaient sur l’originalité et la puissance visuelle. Son nom reste étroitement associé à un succès colossal : La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud (1981).

 

Ce film, véritable pari artistique, plongeait le spectateur quarante mille ans en arrière, dans l’univers des hommes préhistoriques à la recherche de la flamme vitale. Tourné dans des conditions extrêmes, avec un langage inventé pour l’occasion et des décors grandioses, La Guerre du feu aurait pu rester une curiosité confidentielle.

 

Mais grâce à la conviction des producteurs et à l’audace du réalisateur, il devint un phénomène culturel. Plus de cinq millions de spectateurs se pressèrent dans les salles obscures pour vivre cette aventure unique. Le film reçut également de nombreux prix, dont plusieurs César, consacrant définitivement Jacques Dorfmann comme un producteur majeur.

Cette réussite n’était pas isolée. Tout au long de sa carrière, Jacques accompagna des projets variés, parfois risqués, qui témoignaient de sa volonté d’ouvrir le cinéma français à de nouveaux horizons. Contrairement à d’autres producteurs attachés uniquement à des recettes commerciales, il privilégiait souvent les démarches singulières, les visions d’auteurs, sans pour autant négliger le public. C’est dans ce fragile équilibre entre art et industrie qu’il excellait.

Il ne se limita pas au rôle de producteur. Jacques Dorfmann explora également la réalisation, cherchant à exprimer directement sa sensibilité derrière la caméra. Bien que cette facette de sa carrière fût moins connue que son activité de producteur, elle témoignait de son désir profond de dialoguer avec le cinéma non seulement comme artisan, mais aussi comme créateur. Cette double posture renforçait sa légitimité et son respect auprès de ses pairs.

Son parcours illustre aussi une certaine idée du cinéma français : un cinéma capable de rivaliser avec Hollywood par la qualité de ses scénarios, la profondeur de ses personnages et l’originalité de ses approches. Jacques Dorfmann appartenait à cette génération de passeurs qui ont su prolonger l’âge d’or initié par leurs aînés, tout en inscrivant leur travail dans une modernité audacieuse. Dans les années 1970 et 1980, alors que l’industrie subissait de nombreuses mutations, il resta fidèle à l’exigence d’un cinéma ambitieux, conjuguant spectacle et réflexion.

Sudden death at 79 of this great figure of French cinema - YouTube

Sa disparition, annoncée par l’Élysée le 27 août dernier, à l’âge de soixante-dix-neuf ans, marque la fin d’un chapitre important du cinéma hexagonal. De nombreux témoignages saluent un homme discret, passionné, fidèle à ses convictions et profondément attaché à l’idée que le cinéma devait émouvoir, surprendre et élever. Les acteurs, réalisateurs et techniciens qui ont travaillé avec lui soulignent tous sa capacité d’écoute, sa patience et sa détermination.

En retraçant son parcours, on mesure à quel point Jacques Dorfmann incarne une lignée où la passion se transmet de père en fils, mais où chaque génération sait aussi tracer sa propre voie. Il a su prolonger l’œuvre monumentale de Robert Dorfmann tout en affirmant sa singularité. Ses productions, qu’elles soient des drames poignants, des polars intemporels ou des fresques épiques, resteront gravées dans la mémoire des spectateurs. Le cinéma français, qui lui doit tant, conserve de lui l’image d’un artisan visionnaire, capable de transformer des rêves en images et de porter haut la flamme d’un art qu’il considérait comme essentiel à la société.

Ainsi, la carrière de Jacques Dorfmann, faite d’audace et de persévérance, nous rappelle que derrière chaque film marquant se cache l’engagement de ceux qui, dans l’ombre, rendent possibles les créations les plus lumineuses. À travers ses choix, ses réussites et même ses paris risqués, il laisse une empreinte durable : celle d’un homme qui a su faire du cinéma une aventure humaine et artistique d’une rare intensité.

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