Vincent, fils unique issu de l’union entre l’actrice Sophie Marceau et le réalisateur Andrzej Żuławski, porte en lui une double filiation artistique et une histoire personnelle marquée par la passion et le drame. Six ans après la disparition de son père, survenue en 2016, il se souvient encore avec émotion et lucidité des derniers instants partagés avec lui.
Quelques jours avant la mort du cinéaste polonais, Vincent reçoit un appel qui restera gravé dans sa mémoire. « Il m’a appelé, j’ai entendu le timbre de sa voix et j’ai compris », confie-t-il. Il savait que son père ne se soignerait pas, qu’il préférait foncer vers l’amour et la liberté plutôt que de se plier aux contraintes médicales. « Il est resté libre jusqu’au bout », résume-t-il, admiratif.
La perte d’Andrzej Żuławski fut pour Vincent un choc profond, une déchirure qui a bouleversé son équilibre. La période qui a suivi le décès a été particulièrement difficile. Marqué par une immense tristesse, il sombre dans une dépression sévère qui le conduit jusqu’à une hospitalisation en psychiatrie.
Dans cet abîme émotionnel, il trouve toutefois un soutien précieux auprès de sa fratrie. Aux côtés de ses frères aînés, Xavier et Ignacy, tous deux fils d’Andrzej nés de précédentes unions, il parvient peu à peu à relever la tête.
La rencontre avec Ignacy fut, pour Vincent, à la fois singulière et symbolique : « C’était la première fois que je le voyais. Il vit aux États-Unis et moi à Londres.
On se retrouve dans un moment tragique, mais je sais que cela va nous rapprocher. » Ce lien fraternel, né dans la douleur, devient une source de force et de résilience. Ensemble, ils partagent le souvenir d’un père exigeant, brillant et profondément original.
Vincent garde en mémoire des images simples, mais d’une valeur inestimable : « Je me souviens de lui en train de boire un thé dans sa maison, là où j’ai habité enfant, dans la banlieue de Varsovie. » Ce lieu était à l’image du cinéaste : une galerie vivante, avec une immense bibliothèque, des toiles accrochées aux murs, et des milliers de DVD et de livres.
C’était un univers riche, foisonnant, qui reflétait la curiosité insatiable et l’esprit érudit d’Andrzej Żuławski. « Chez lui, je me sentais vraiment à la maison », confie Vincent, évoquant ces moments comme une ancre affective dans son parcours chaotique.
En parallèle, Vincent n’oublie pas qu’il a aussi une demi-sœur du côté maternel : Juliette, fille de Sophie Marceau et du producteur Jim Lemley. Bien qu’ils n’aient pas grandi ensemble, le lien familial reste présent et participe à l’équilibre qu’il tente de reconstruire.
Aujourd’hui, après cette période sombre, Vincent semble aller mieux. Il a trouvé un exutoire dans la création artistique, fidèle en cela à l’héritage familial. Passionné par les mots, il écrit de la poésie, explore son imaginaire et transforme ses émotions en matière créative. Le cinéma, domaine qui unit ses deux parents, est également devenu un terrain d’expression : il a déjà réalisé un court métrage et nourrit l’ambition de poursuivre dans cette voie.
L’art, la famille et la mémoire de son père constituent désormais les piliers de sa reconstruction. Vincent n’ignore pas que les blessures d’un tel deuil ne se referment jamais complètement, mais il a appris à vivre avec cette absence, à en faire une force plutôt qu’un fardeau. En se rapprochant de ses frères, en entretenant le souvenir des moments simples passés avec Andrzej, il entretient aussi le lien avec ses racines polonaises et son héritage culturel.
Ce cheminement n’a pas été facile. La dépression l’a plongé dans un état où le futur semblait obscur, où chaque jour demandait un effort colossal. Mais, pas à pas, il a retrouvé un souffle. La présence bienveillante de sa mère, Sophie Marceau, et le soutien discret mais constant de ses proches ont été déterminants. Aujourd’hui, il parle de cette période avec plus de recul, conscient de la fragilité de la vie mais aussi de sa beauté.
Vincent incarne ainsi une histoire de transmission et de résilience. Héritier d’un double univers – celui de sa mère, actrice française à la carrière internationale, et celui de son père, cinéaste visionnaire – il puise dans ces deux forces opposées mais complémentaires l’inspiration pour tracer sa propre voie. Derrière le jeune homme discret se cache un artiste en devenir, nourri par l’amour, la douleur et la mémoire.
Son récit rappelle que, même dans les moments les plus sombres, l’art et les liens familiaux peuvent offrir une lumière. Et, dans le sourire qu’il affiche aujourd’hui, il y a quelque chose de son père : cette détermination à rester libre, à vivre selon ses convictions, jusqu’au bout.