Serge Lama : à 82 ans, la triste fin du chanteur

Il y a des dates qui s’inscrivent en lettres de sang dans le grand livre d’une vie. Pour Serge Lama, ce fut le 12 août 1965. Une date qui ne représente pas un souvenir, mais une fracture, une ligne de démarcation brutale entre un “avant” plein de promesses et un “après” à jamais hanté par la douleur et la perte. Cette nuit-là, sur une route près d’Aix-en-Provence, la voiture qui le ramenait d’une tournée n’a pas seulement quitté la chaussée.

Maintenant, je suis heureux » : Serge Lama se confie à Laurent Delahousse  sur l'arrêt de

Elle a plongé dans un abîme de tragédie, emportant avec elle l’amour de sa vie, sa fiancée Liliane Benelli, et le condamnant, lui, le survivant, à un calvaire physique et psychologique qui dure encore aujourd’hui. Près de soixante ans plus tard, les mots de son ami Enrico Macias résonnent avec une tristesse infinie, décrivant un homme “très diminué”, dont la stature de géant de la chanson peine à masquer les stigmates d’une nuit d’horreur.

L’été 1965 est celui de tous les espoirs pour Serge Lama. À 22 ans, sa carrière commence à décoller. Il a une voix, un charisme, et surtout, il a Liliane. Pianiste et sous-directrice des programmes de la maison de disques Philips, c’est elle qui l’a repéré, qui a cru en lui avant tout le monde. Elle est plus qu’une fiancée ; elle est son pygmalion, son âme sœur, la cheville ouvrière de son succès naissant.

 

Ils partagent tout : la passion de la musique et la certitude d’un avenir radieux. Cet été-là, il est en tournée avec son ami Marcel Amont. Le 12 août, après un gala, il doit rejoindre ses parents en vacances. C’est Jean-Claude Ghenassia, le régisseur de la tournée et frère d’une autre étoile de l’époque, Enrico Macias, qui est au volant de la Peugeot 404. Liliane est à l’arrière.

La route est droite, mais la fatigue est là, écrasante. Soudain, c’est le drame. La voiture, lancée à pleine vitesse, heurte un platane avec une violence inouïe. Le choc est instantané, fatal. Jean-Claude Ghenassia et Liliane Benelli sont tués sur le coup. Serge Lama, lui, est projeté hors du véhicule. Quand les secours arrivent, ils découvrent un corps disloqué, un jeune homme polytraumatisé dont le pronostic vital est plus qu’engagé. On le transporte en urgence à l’hôpital, le plongeant dans un coma dont personne ne sait s’il se réveillera.

Pour Serge Lama, le réveil est un second cauchemar. Non seulement il doit faire face à des douleurs physiques indescriptibles – fractures multiples, hémorragie interne, traumatismes crâniens – mais il doit aussi affronter la nouvelle la plus insupportable : Liliane n’est plus. L’amour de sa vie, la femme pour qui il chantait, est morte à quelques centimètres de lui. La culpabilité du survivant s’ajoute à la souffrance de la chair. Il est vivant, mais l’avenir qu’il s’était construit a été anéanti.

Serge Lama A Maintenant Plus De 80 Ans Et Sa Vie Est Triste

Commence alors une longue et douloureuse reconstruction. Il subira pas moins de quatorze opérations chirurgicales. Pendant près de deux ans, sa vie se résume à des lits d’hôpitaux, des centres de rééducation, et une lutte de chaque instant pour simplement réapprendre à se tenir debout, à marcher. Les médecins sont pessimistes, certains lui disent qu’il ne remontera jamais sur scène.

 

Mais c’est sans compter sur la force de caractère hors du commun du jeune homme. La promesse faite à Liliane, celle de devenir un grand artiste, devient son unique moteur. La scène n’est plus un objectif de carrière, c’est une question de survie.

Contre toute attente, il y parvient. Mais le prix à payer est exorbitant. Depuis ce 12 août 1965, la douleur est sa compagne de route. Chaque pas sur scène, chaque salut au public est une victoire sur son corps meurtri. Il boitera toute sa vie, un rappel constant et visible de la tragédie. Ce que le public ne voit pas, ce sont les douleurs fantômes, les séquelles neurologiques, la fatigue chronique contre laquelle il doit lutter en permanence.

 

C’est ce calvaire quotidien qu’évoque avec pudeur et émotion son ami de toujours, Enrico Macias. “Il est très diminué”, confie-t-il, un aveu qui en dit long sur le combat intérieur mené par Lama, loin des projecteurs. Le drame est d’autant plus complexe que celui qui conduisait était le frère d’Enrico, ajoutant une couche de deuil partagé et de fatalité à leur amitié.

Les confidences de Serge Lama au JDD : « Je me retire, mais je n'ai pas de  regrets »

Toute la carrière de Serge Lama sera imprégnée de ce drame originel. Ses chansons les plus poignantes, comme “D’aventures en aventures” ou l’inoubliable “Je suis malade”, parlent d’amour perdu, de souffrance, de la fragilité de l’existence. Sa voix, puissante et grave, semble porter l’écho de cette nuit où tout a basculé. Il est devenu l’artiste que l’on connaît, non pas en dépit de l’accident, mais à cause de lui. La tragédie a nourri son art, lui donnant une profondeur et une authenticité qui touchent le public en plein cœur.

Aujourd’hui, Serge Lama a fait ses adieux à la scène, son corps ne pouvant plus supporter les exigences des tournées. Mais il reste un monument de la chanson française, un survivant magnifique et tragique. Son histoire nous rappelle la fragilité du bonheur et la force incroyable de la volonté humaine. Chaque fois qu’il apparaît, un peu plus frêle, un peu plus marqué par le temps et les épreuves, on ne peut s’empêcher de revoir ce jeune homme de 22 ans, dont le rire s’est brisé net sur un platane, une nuit d’été, et qui a passé le reste de sa vie à chanter pour ne pas mourir une seconde fois.

Related Posts

Our Privacy policy

https://abc24times.com - © 2025 News