Entre Johnny Hallyday et Eddy Mitchell, ce n’était pas simplement une belle histoire d’amitié : c’était une véritable fraternité. Les deux chanteurs, piliers de la chanson française, ont partagé bien plus que des scènes et des projecteurs.

Leur complicité, forgée dans les années 1960 au cœur de l’effervescence du rock, s’est transformée au fil du temps en un lien indéfectible, nourri par des décennies de confidences, de fous rires, mais aussi d’épreuves traversées ensemble. Ils se considéraient comme des frères, et cette affection réciproque se manifestait dans tous les aspects de leur vie, y compris au sein de leurs familles respectives.

Dans les bons moments comme dans les mauvais, Johnny et Eddy ont toujours été là l’un pour l’autre. Loin des caméras et des flashs, ils s’échangeaient des marques d’amitié sincère, souvent à travers leurs enfants. Ce geste, hautement symbolique, s’est notamment incarné dans le choix des parrains.

Ainsi, Eddy Mitchell, de son vrai nom Claude Moine, qui a célébré ses 80 ans le 3 juillet 2022, est le parrain de Laura Smet, la fille que Johnny Hallyday a eue avec Nathalie Baye. À l’inverse, le Taulier, aujourd’hui regretté, avait accepté avec honneur d’être le parrain de la fille d’Eddy Mitchell, Pamela Moine.

Pamela, née de l’union entre Eddy Mitchell et Muriel Bailleul, a eu la chance d’avoir pour parrain l’une des plus grandes légendes de la scène française. Pour elle, Johnny n’était pas seulement une star adulée par des millions de fans, mais aussi un membre à part entière de la famille, une figure bienveillante et proche.

Les liens entre les deux clans ne se limitaient pas à ces deux enfants : la cadette de la famille Moine, elle aussi, a grandi dans une atmosphère où la musique était omniprésente, héritant naturellement de la fibre artistique de son père, même si Eddy a toujours tenu à ce que ses enfants restent éloignés de la notoriété et de ses excès.

Cette volonté de préserver leur intimité était partagée par les deux hommes. Eddy Mitchell, malgré sa carrière impressionnante et ses tubes devenus intemporels, a toujours été très protecteur envers sa vie privée. Il ne cherchait pas à exposer ses enfants, refusant que la célébrité interfère dans leur éducation.

Johnny, quant à lui, bien que plus habitué à vivre sous les feux de la rampe, comprenait et respectait cette position. Cela ne l’empêchait pas de rendre visite à Eddy et à sa famille quand bon lui semblait. Il était l’un des rares à avoir ce privilège : entrer chez les Mitchell comme chez lui, sans protocole, comme le ferait un frère de sang.

Ces moments partagés avaient souvent un goût de simplicité et d’authenticité. On imagine Johnny débarquant à l’improviste, guitare à la main, pour partager un repas ou improviser une séance musicale. Les enfants, eux, voyaient ces rencontres comme naturelles.

Pour Laura, Eddy était « tonton Eddy », l’homme à la voix chaude qui racontait des histoires et qui, parfois, l’accompagnait de quelques accords au piano. Pour Pamela, Johnny était « parrain Johnny », celui qui racontait des anecdotes rocambolesques de tournées et qui savait faire briller les yeux des enfants autant que ceux des adultes.

Cette fraternité entre les deux artistes dépassait le cadre privé. Sur scène, ils se retrouvaient souvent, comme lors des tournées des Vieilles Canailles, où, aux côtés de Jacques Dutronc, ils formaient un trio mythique.

Mais derrière les projecteurs, il y avait un respect profond, une compréhension mutuelle de ce que signifiait vivre sous le poids d’une carrière exigeante, de la pression médiatique et de la passion du public. Ils partageaient aussi cette conscience du temps qui passe, de l’importance de chérir les instants simples et les liens véritables.

Quand Johnny est parti, en décembre 2017, Eddy Mitchell a perdu plus qu’un ami : il a perdu une partie de sa famille de cœur. Les hommages officiels et les cérémonies ont été empreints d’émotion, mais c’est dans le silence de son intimité qu’Eddy a mesuré l’ampleur de ce vide.

Johnny avait été présent dans les moments clés de sa vie, toujours là pour soutenir, rire ou simplement écouter. La douleur de son absence s’est mêlée à la gratitude d’avoir partagé tant d’années d’amitié authentique.

Pour les enfants, la disparition de Johnny fut également un choc. Laura, bien sûr, pleurait son père, mais elle savait qu’Eddy, son parrain, resterait à ses côtés, fidèle au lien qui les unissait depuis sa naissance. Pamela, elle, gardait en mémoire les gestes affectueux de son parrain et les souvenirs joyeux des moments partagés. Ces histoires, ces images, deviennent alors des héritages invisibles, transmis de génération en génération.

Aujourd’hui encore, la relation entre les familles Hallyday et Mitchell perdure, portée par le souvenir des deux artistes et par l’affection qu’ils ont ancrée dans le cœur de leurs proches. Eddy, toujours actif malgré son âge, continue de chanter, d’écrire et de raconter, parfois, quelques fragments de cette amitié hors du commun.

Il parle de Johnny avec pudeur, refusant les clichés ou les exagérations, préférant évoquer l’homme derrière la légende, celui qui pouvait, en toute simplicité, s’asseoir à sa table, un café à la main, et parler de tout et de rien.

Ce qui frappe dans cette histoire, c’est la force tranquille d’un lien qui n’avait pas besoin de grandes démonstrations pour exister. Pas de contrats, pas de promesses gravées dans le marbre, seulement une fidélité sans faille, éprouvée par le temps et les épreuves. Johnny et Eddy savaient qu’ils pouvaient compter l’un sur l’autre, et cette certitude était sans doute leur plus belle richesse.

À travers leurs enfants, cette amitié a trouvé un prolongement naturel. Le rôle de parrain, souvent symbolique, prenait chez eux une valeur particulière : celle de transmettre, de protéger, d’aimer au-delà des liens du sang. Laura et Pamela, chacune à leur manière, sont les gardiennes de cette mémoire affective, tissée de chansons, de rires, de confidences et de silences partagés.

En fin de compte, l’histoire de Johnny Hallyday et d’Eddy Mitchell n’est pas seulement celle de deux icônes de la musique française. C’est celle de deux hommes qui, derrière leurs guitares et leurs costumes de scène, ont su préserver un trésor rare : une amitié pure, sincère, qui a résisté aux décennies, aux tempêtes et à la gloire. Une amitié qui, aujourd’hui encore, continue de vivre dans le cœur de ceux qui les ont aimés.