Richard Anthony : les derniers jours d’une légende, entre amour, silence et déchirures
Le 19 avril 2015, le monde de la chanson française perdait l’une de ses figures emblématiques. Richard Anthony, chanteur aux innombrables tubes des années 60 et 70, s’éteignait à l’âge de 77 ans, des suites d’un cancer généralisé. Dix ans plus tard, le souvenir de ses derniers instants ressurgit à travers les confidences d’Élisabeth Cruchet, sa dernière compagne, infirmière de profession, qui partagea avec lui les dernières années de sa vie.
Leur histoire commence en 1992, dans un contexte inattendu. Victime d’un accident de bateau qui le laisse physiquement affaibli, Richard Anthony croise le chemin d’Élisabeth à un moment de vulnérabilité. Très vite, une relation naît, empreinte de complicité, d’humour et de douceur. Loin des projecteurs et des tournées effrénées, l’artiste se redécouvre dans une vie plus simple, portée par la tendresse discrète d’une femme qui l’aime sans condition.
Dans une interview accordée en 2020 au magazine Ici Paris, Élisabeth revient, avec pudeur et émotion, sur les ultimes heures de celui qu’elle décrit comme un homme “protecteur, attendrissant, et d’une rare dignité”. Elle évoque leurs rituels quotidiens, la lente dégradation de son état de santé, ses gestes devenus plus lents, sa voix plus faible, ses silences plus longs. Pourtant, jusqu’au bout, Richard reste lui-même : lucide, digne, profondément humain.
Elle se souvient précisément de ce soir où tout a basculé. Richard, affaibli, mais encore conscient, prononce quelques mots à l’attention d’une amie venue lui rendre visite : « J’en ai un peu marre… » Une phrase simple, presque anodine, mais qui résonne comme un adieu. Trois heures plus tard, à 23 heures, il rend son dernier souffle, paisiblement, sans cri ni drame. Élisabeth est à ses côtés. Jusqu’au bout, elle l’a accompagné, veillé, aimé.
Mais derrière cette scène intime, empreinte d’humanité, se cache une autre réalité, plus sombre, plus douloureuse : celle d’une famille brisée, d’un adieu déchiré par les non-dits et les rancunes. À la mort de Richard Anthony, une onde de choc traverse son entourage. Son fils Xavier, notamment, exprime publiquement sa colère et sa tristesse. Il accuse Élisabeth de ne pas l’avoir prévenu à temps, affirmant que son père serait resté trois jours dans le coma sans qu’aucun membre de sa famille n’en soit informé.
Le plus violent, selon lui ? Apprendre la mort de son père… sur Facebook. Un choc, une blessure, un sentiment d’exclusion volontaire. « Quand il s’agissait de demander de l’aide financière, on retrouvait notre numéro. Mais pour dire au revoir à mon père, plus rien », déplore-t-il amèrement. Ses mots résonnent comme une plainte, un cri étouffé de douleur et d’incompréhension. Ce ressentiment, né d’un deuil mal vécu, ne s’est jamais apaisé. Dix ans après la disparition du chanteur, les rancunes demeurent vivaces, comme un écho cruel à une séparation déjà tragique.
Richard Anthony, derrière les paillettes et les refrains entêtants, était un homme aux multiples facettes. Icône populaire, il a marqué des générations avec ses reprises françaises de tubes anglo-saxons, sa voix reconnaissable entre mille, son regard doux et son sourire rassurant. Mais comme beaucoup d’artistes, sa vie privée fut plus tourmentée que ne le laissait paraître la scène. Des mariages, des divorces, des enfants parfois éloignés, des moments de solitude aussi.
La relation qu’il entretenait avec ses enfants, notamment Xavier, n’a pas toujours été simple. Éloignement, malentendus, différences de modes de vie ont creusé des distances que la maladie, hélas, n’a pas réussi à combler. Le choix d’Élisabeth de garder le silence durant les derniers jours de Richard – choix fait, selon elle, par respect de la volonté de l’artiste de mourir dans l’intimité – a été interprété tout autrement par une partie de la famille.
Ce conflit posthume vient rappeler une vérité souvent tue : derrière les figures publiques se cachent des histoires humaines complexes, des liens familiaux fragiles, des blessures anciennes. La mort, loin d’apaiser, vient parfois réveiller les douleurs enfouies.
Et pourtant, malgré cette déchirure familiale, l’image que beaucoup conservent de Richard Anthony reste celle d’un homme généreux, charismatique, dont la musique continue d’accompagner les souvenirs de toute une époque. Des titres comme J’entends siffler le train, C’est ma fête ou À présent tu peux t’en aller restent gravés dans les mémoires, comme des madeleines de Proust musicales.
En ce mois d’avril 2025, dix ans après sa disparition, les hommages se multiplient sur les réseaux sociaux. Ses fans partagent des souvenirs, des vidéos, des extraits d’interviews. Certains évoquent sa voix rassurante, d’autres son élégance discrète, beaucoup sa capacité à traduire en chansons les émotions simples de la vie. Quant à Élisabeth Cruchet, elle continue de se faire discrète, refusant de s’enfermer dans la polémique, gardant précieusement pour elle le souvenir d’un homme qu’elle a aimé profondément.
Car au fond, au-delà des querelles et des silences, il reste l’essentiel : la mémoire d’un artiste, le respect d’une vie, la beauté d’un amour vécu loin du bruit, et cette dernière phrase murmurée un soir d’avril : « J’en ai un peu marre… » comme un soupir, comme un au revoir.