Avec une carrière fulgurante et plus de 33 millions de disques vendus, Mike Brant s’est imposé en quelques années comme l’une des figures majeures et inoubliables de la chanson francophone des années 1970. Sa voix puissante et mélodieuse, son charisme magnétique et son allure de jeune premier romantique ont conquis le cœur de millions de fans, faisant de lui un véritable phénomène.
Pourtant, derrière les paillettes, les disques d’or et les concerts à guichets fermés se cachait une âme tourmentée, une sensibilité à fleur de peau qui ne devait jamais trouver la paix. Le 25 avril 1975, au sommet de sa gloire, Moshé Brandt, de son vrai nom, mettait fin à ses jours à l’âge de 28 ans, laissant derrière lui un héritage musical immortel et une question lancinante qui demeure, près d’un demi-siècle plus tard : pourquoi ?
Le destin de Mike Brant est celui d’une étoile filante, dont l’ascension fut aussi rapide que sa chute fut brutale. Né dans un camp de réfugiés à Chypre de parents juifs polonais rescapés de l’Holocauste, il porte dès sa naissance le poids d’une histoire familiale tragique. C’est en Israël qu’il grandit et fait ses premières armes de chanteur, développant ce timbre de voix unique qui deviendra sa signature.
Repéré par Sylvie Vartan et Carlos lors d’un concert à Téhéran, il arrive à Paris en 1969, sans parler un mot de français mais avec un talent immense et une détermination sans faille. Le succès est immédiat. Des titres comme “Laisse-moi t’aimer”, “Qui saura” ou “C’est ma prière” deviennent des hymnes pour toute une génération.
La “Brant-mania” déferle sur la France et l’Europe. Les tournées s’enchaînent à un rythme effréné, la pression médiatique est constante, et le jeune homme se retrouve prisonnier de son propre succès, isolé au milieu des foules qui l’adulent.
Cependant, cette gloire éclatante masque des failles profondes. Le chanteur est en proie à une dépression chronique, un “mal de vivre” qu’il peine à dissimuler. Le traumatisme de la guerre du Kippour en 1973, durant laquelle il part chanter pour les soldats israéliens sur le front, le marque à jamais.
Il en revient transformé, hanté par ce qu’il a vu. Cet événement agit comme un catalyseur de son angoisse existentielle. En novembre 1974, une première tentative de suicide le voit sauter du cinquième étage d’un hôtel à Genève. Il survit miraculeusement, avec de multiples fractures, mais la blessure psychologique est bien plus profonde. Cet acte désespéré est un premier cri d’alarme, un avertissement tragique de la tempête qui se déchaîne en lui.
Malgré cet épisode sombre, Mike Brant tente de remonter la pente. Il semble même sur la voie de la renaissance. Comme le souligne le reportage, il venait de signer un nouveau contrat prometteur avec le talentueux auteur-compositeur Jean Renard, une collaboration qui devait relancer sa carrière.
Le jour même de sa mort, le 25 avril 1975, sortait son nouveau titre, prémonitoire et poignant, “Dis-lui”. Tout laissait croire à un avenir encore radieux. C’est ce qui rend sa fin si incompréhensible et douloureuse.
Depuis sa mort, les rumeurs et les théories les plus folles ont circulé, évoquant un assassinat politique ou un crime passionnel. Face à ces spéculations persistantes qui entachent la mémoire de son frère, Zvi Brant a tenu à rétablir la vérité, ou du moins sa vérité, celle d’une famille brisée.
Dans une interview chargée d’émotion, il met fin aux rumeurs : “Toute ma vie, on m’a demandé si Mike avait été assassiné ou s’il s’était donné la mort. Je pense sincèrement qu’il s’est suicidé.” Ces mots, lourds de sens, visent à clore un chapitre de fantasmes pour laisser place à la douloureuse réalité d’un combat perdu contre la dépression.
Zvi Brant partage également les détails de cette dernière nuit, tels qu’ils ont été racontés à sa famille par Jeanine, l’amie chez qui le chanteur logeait. Un mois après le drame, la famille se rend à Paris pour comprendre. Jeanine leur explique que Mike dormait profondément. Absente quelques instants dans la salle de bain, elle entend le téléphone sonner.
Mike décroche. À son retour dans la chambre, il n’est plus là. L’impensable s’est produit. En se précipitant sur le balcon de cet appartement du 16ème arrondissement, elle découvre son corps inanimé en contrebas. Il s’était défenestré.
Dès lors, une question centrale hante tous les esprits : que s’est-il dit lors de ce mystérieux coup de fil ? Cet appel a-t-il été l’élément déclencheur, la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà plein de tourments ? Personne ne le saura jamais. Le contenu de cette dernière conversation a emporté avec lui le secret de son geste final.
Cet appel reste le point de cristallisation de toutes les interrogations, le symbole du mystère qui enveloppe la mort de Mike Brant. S’agissait-il d’une mauvaise nouvelle professionnelle, d’une rupture sentimentale, ou simplement d’un mot de trop pour une âme déjà à bout ?
La tragédie de Mike Brant est celle d’un homme qui donnait l’amour et la joie à des millions de gens sans parvenir à trouver la paix pour lui-même. Sa mort a laissé un vide immense dans le paysage musical et a élevé l’artiste au rang de mythe. Sa voix, elle, continue de résonner, intemporelle, portant en elle toute la passion, la lumière mais aussi la fêlure d’un destin tragique. Il reste l’éternel jeune homme à la voix d’or, dont la chanson s’est tue trop tôt, un soir d’avril.