Il y a des personnalités publiques qui, malgré les scandales successifs, trouvent toujours le moyen de se replonger dans la controverse. Jean-Luc Lahaye fait incontestablement partie de cette catégorie. Déjà fragilisé par une série de casseroles judiciaires qui ont gravement entaché son image, le chanteur a de nouveau suscité l’indignation après des propos tenus dans le cadre du podcast Biomécanique.
Avec une désinvolture confondante, il a déclaré : « La majorité des hommes préfèrent les femmes plus jeunes. C’est normal, je me vois mal marcher dans la rue avec une fille de soixante-douze ans en lui tenant la main. » Cette phrase, d’une banalité affligeante sur le fond, s’est révélée d’une violence inouïe par son implication : les femmes plus âgées, ou simplement les femmes de son âge, seraient indignes d’être aimées ou même d’être vues aux côtés d’un homme.
Une telle déclaration, déjà choquante par elle-même, prend une dimension encore plus problématique lorsqu’on connaît le passif de l’artiste. Condamné à plusieurs reprises par la justice, notamment pour des affaires touchant à la corruption de mineures, Jean-Luc Lahaye n’est pas précisément en position de donner des leçons sur la morale, la décence ou les relations amoureuses.
Pourtant, il continue à s’exprimer publiquement avec une assurance désarmante, comme s’il détenait une vérité universelle. Ses propos révèlent en réalité une vision profondément sexiste et archaïque des rapports entre hommes et femmes. Réduire la valeur d’une femme à son âge n’est pas seulement méprisant, c’est également symptomatique d’un rapport de domination qui refuse de disparaître.
Le problème ne réside pas seulement dans le fait qu’il exprime une préférence personnelle. Après tout, chacun peut avoir ses goûts et ses attirances. Ce qui choque ici, c’est sa volonté de présenter cette vision comme une norme. « C’est normal », affirme-t-il avec aplomb.
Non, justement, ce n’est pas normal. Rien ne saurait justifier de reléguer des millions de femmes, simplement parce qu’elles ont dépassé un certain âge, dans une catégorie d’êtres humains supposément inadaptés à l’amour ou à la séduction. L’amour, la complicité, la tendresse et le respect ne connaissent pas d’âge. De nombreux couples, composés de partenaires du même âge ou de femmes plus âgées que leurs conjoints, en témoignent chaque jour.
Le discours de Jean-Luc Lahaye est pathétique parce qu’il reflète non seulement un mépris des femmes, mais également une peur de vieillir lui-même. Derrière cette insistance sur la jeunesse féminine se cache sans doute l’angoisse de voir dans le miroir de l’autre les traces du temps qui passe.
Plutôt que d’accepter le vieillissement comme une étape naturelle, il préfère s’accrocher à l’illusion de l’éternelle jeunesse, en choisissant des partenaires plus jeunes. Cette attitude n’est pas seulement une fuite, elle contribue à renforcer une pression insupportable sur les femmes, sommées de rester jeunes et désirables toute leur vie pour continuer d’exister aux yeux des hommes.
Ce genre de propos, répétés dans l’espace public, est dangereux car il contribue à normaliser une vision discriminatoire. Nombre de jeunes femmes, exposées à ce type de discours, peuvent en venir à croire qu’elles perdront toute valeur une fois franchi un certain âge. De même, beaucoup d’hommes, influencés par cette rhétorique, peuvent se convaincre qu’il est « naturel » de préférer des compagnes plus jeunes, perpétuant ainsi une inégalité profondément ancrée. La responsabilité d’une personnalité publique est d’autant plus grande qu’elle dispose d’une tribune et d’une visibilité médiatique.
Il est donc salutaire que de nombreuses voix se soient élevées pour dénoncer ces propos. Dans les réactions qui ont suivi, beaucoup ont souligné le caractère sexiste et méprisant de la déclaration. Certains ont même rappelé avec ironie que, compte tenu de son parcours judiciaire, Jean-Luc Lahaye n’était certainement pas la personne la mieux placée pour donner son avis sur la valeur des relations amoureuses. D’autres encore ont insisté sur la nécessité de combattre ces visions rétrogrades, qui enferment les femmes dans une double injonction : rester éternellement jeunes, tout en acceptant d’être jugées par un regard masculin normatif et condescendant.
Ce nouvel épisode s’ajoute à une série déjà longue de provocations et de maladresses. À chaque fois, on se demande jusqu’où ira Jean-Luc Lahaye dans sa quête d’attention médiatique. Plus il parle, plus il s’enfonce, donnant l’impression d’un homme incapable de tirer les leçons de son passé. Loin de chercher à se reconstruire une image positive, il semble au contraire s’acharner à provoquer et à diviser.
Au fond, ce qui choque le plus dans cette affaire, ce n’est pas tant le contenu précis de la phrase, mais ce qu’elle révèle d’un état d’esprit encore trop répandu. Dans un monde qui se veut moderne, égalitaire et respectueux des diversités, il subsiste encore des discours qui réduisent la femme à son physique, à son âge ou à son pouvoir de séduction. Ces paroles rappellent que le chemin vers l’égalité réelle est encore long et semé d’embûches.
Il appartient désormais aux médias, mais aussi au public, de ne plus laisser passer de telles déclarations sans réaction. L’indignation est nécessaire, mais elle doit aussi s’accompagner d’une éducation collective visant à changer les mentalités. Il est urgent de rappeler que les femmes, quel que soit leur âge, ont une valeur infinie, et qu’elles méritent respect et considération. Vieillir n’est pas une honte, c’est une richesse. Et si certains hommes refusent de l’admettre, il revient à la société tout entière de leur rappeler que ce n’est pas leur vision du monde qui doit prévaloir.
Ainsi, loin d’être une anecdote isolée, les propos de Jean-Luc Lahaye constituent un révélateur. Ils mettent en lumière les résistances d’un vieux modèle patriarcal qui peine à s’éteindre. Mais ils offrent aussi une occasion précieuse : celle de réaffirmer haut et fort que l’amour, le respect et la dignité n’ont pas d’âge, et que toute tentative de réduire une femme à un chiffre sur son acte de naissance ne mérite que le rejet.