Laurent Manadou : la championne qui n’aimait pas nager
Dans son autobiographie Brûlée au chlore, Laure Manaudou, l’une des plus grandes nageuses françaises, se livre avec une sincérité rare. À seulement 27 ans, elle fait une confession qui étonne le public : elle n’a jamais aimé nager. Ce n’était pas l’eau, ni les longueurs, encore moins l’odeur du chlore qui la motivaient chaque matin à se lever à l’aube.
Ce qu’elle aimait, c’était gagner. Sentir le mur au bout de la course, lever les yeux et voir qu’elle était la première. C’était cette adrénaline du podium qui justifiait tous les sacrifices, pas la discipline elle-même.
Laure raconte qu’elle s’entraînait dès l’âge de 14 ans, se levant à 5 heures du matin pour plonger dans une eau froide et chlorée. Elle nageait parfois jusqu’à 8 kilomètres par jour, comptant les carreaux au fond du bassin, sans aucun plaisir. Elle évoque avec franchise ce quotidien monotone, parfois écœurant, qu’elle a accepté uniquement par amour de la victoire. Pour elle, être deuxième n’était pas une option. Petite déjà, elle fondait en larmes lorsqu’elle n’arrivait pas en tête, sous les regards inquiets de ses parents.
Son parcours exceptionnel est indissociable de sa relation avec Philippe Lucas, son entraîneur au caractère bien trempé. Elle décrit une relation passionnelle, explosive, presque familiale. C’est lui qui l’a repérée adolescente et a dit à son père qu’il la mènerait à l’or olympique en trois ans.
Pari tenu : en 2004, à Athènes, Laure est sacrée championne olympique. Pourtant, en 2007, elle quitte Philippe sur un coup de tête, ce qu’elle reconnaît aujourd’hui comme une erreur. Elle admet qu’elle aurait sans doute décroché un ou deux titres olympiques de plus si elle avait poursuivi à ses côtés. Leur séparation a laissé des traces, mais leur lien reste fort. Elle parle de lui comme d’un mentor, d’un pilier sans qui elle n’aurait jamais gravi les sommets.
Mais derrière l’athlète au palmarès impressionnant, se cache une jeune femme sensible, marquée par des blessures affectives profondes. Laure évoque notamment sa relation compliquée avec sa mère, peu démonstrative, et la souffrance ressentie face à ce manque d’expressions d’amour.
Ce n’est que plus tard, en devenant elle-même maman, qu’elle prend conscience de l’importance de dire « je t’aime » et de montrer son affection au quotidien. Cette carence affective, elle l’a longtemps portée en elle, tout comme le poids du départ précoce du cocon familial à l’adolescence, pour suivre un rêve qui n’était pas tout à fait le sien.
Laure revient aussi sur ses amours, ses passions fulgurantes, ses ruptures douloureuses. Elle avoue aimer intensément, mais aussi se détacher rapidement. Elle parle sans tabou de ses relations très médiatisées, avec Pierre, Julien, Lucas, Benjamin, Frédéric ou Benoît.
L’exposition de sa vie privée, parfois déformée par les médias, a souvent été source de souffrance. Elle se confie notamment sur l’épisode douloureux de la diffusion de photos intimes sur Internet, à une époque où elle se séparait déjà du compagnon qui les avait prises. Elle reconnaît n’avoir rien fait pour faire taire les rumeurs accusant un autre ex, Lucas, de cette fuite. Une vengeance inconsciente, qu’elle assume aujourd’hui sans se flageller.
Encore aujourd’hui, Laure paie un service pour faire supprimer ces clichés dès qu’ils réapparaissent sur le web. Elle vit avec cette épée de Damoclès, craignant le jour où sa fille pourrait tomber par hasard sur ces images. Ce traumatisme illustre l’impact durable d’une erreur de jeunesse dans la vie d’une femme publique.
Après les JO de Pékin, où elle n’a pas brillé comme à Athènes, Laure sombre dans une dépression. Le contraste entre la gloire passée et les critiques violentes l’écrasent. Elle ne sort plus de chez elle, évite les regards, pense avoir failli.
Elle découvre alors le vide immense qui suit l’arrêt brutal de la compétition. Le sport de haut niveau l’a accaparée dès l’enfance, l’éloignant des bancs de l’école et l’empêchant d’imaginer un avenir en dehors de l’eau. Lorsqu’elle quitte les bassins, elle se retrouve sans repères, sans plan B.
Aujourd’hui, elle espère que sa fille ne fera pas de natation. Non pas par rejet du sport, mais pour lui éviter de porter un poids trop lourd : celui de devoir être à la hauteur d’un héritage familial écrasant. « Ta maman est championne olympique, ton papa aussi, ton tonton aussi… » Trop d’attentes, trop de pression. Elle veut que sa fille soit libre, qu’elle suive sa propre voie, loin des couloirs chlorés.
Brûlée au chlore est bien plus qu’une autobiographie sportive. C’est le récit d’une reconstruction, d’un désenchantement, mais aussi d’une résilience. Laure Manaudou y révèle une vérité touchante : derrière la carapace de la championne, il y avait une enfant timide, une adolescente perdue, une femme passionnée et souvent blessée. Ce témoignage sincère l’humanise et permet de mieux comprendre ce qu’il en coûte vraiment d’atteindre les sommets — et de les quitter.