Christophe, de son vrai nom Daniel Bevilacqua, reste dans la mémoire collective comme l’un des chanteurs les plus singuliers et poétiques de la chanson française. Auteur de titres intemporels tels que Aline ou Les mots bleus, il s’est éteint le 16 avril 2020 à l’âge de 74 ans, emporté par une maladie pulmonaire chronique, après un long combat.
Mais derrière l’artiste discret et mystérieux se cache une histoire familiale complexe, marquée par des retrouvailles tardives et des tensions qui ont ressurgi à l’heure de sa disparition.
Parmi les épisodes les plus marquants de sa vie personnelle figure sa relation, dans les années 1960, avec la chanteuse Michèle Torr. De cette idylle brève mais passionnée est né, en 1967, un fils : Romain Vidal. Pourtant, Christophe ne l’a jamais reconnu officiellement. Ce refus a longtemps pesé sur Michèle Torr, qui n’a cessé de protéger son enfant face à ce vide paternel.
Pourtant, quelques années avant sa mort, Christophe s’était rapproché de Romain. Selon les confidences de Michèle Torr au Parisien, père et fils se voyaient depuis environ dix ans, toujours en secret. Ils échangeaient régulièrement par e-mails et se retrouvaient parfois en Provence, notamment lorsque le chanteur venait voir son frère.
Ces moments, bien que discrets, ont permis à Romain de découvrir une partie de sa famille paternelle, notamment son oncle et ses cousins. « Cela m’a rendu heureuse aussi », confiait Michèle, heureuse de voir enfin un lien, même tardif, se tisser.
À sa mort, Christophe a laissé à Romain un seul objet en héritage, mais chargé d’une valeur symbolique immense : un médaillon représentant Saint-Christophe. Ce bijou avait une histoire particulière. Lorsque Christophe avait 16 ans, sa grand-mère lui avait offert cette médaille, symbole de protection pour les voyageurs et les automobilistes.
Ce cadeau avait marqué le jeune Daniel au point de l’inspirer pour choisir son nom de scène : Christophe. Des années plus tard, la mère du chanteur avait transmis ce médaillon à Michèle Torr. Aujourd’hui, Romain le conserve précieusement, même si le fermoir est cassé. « Il est dans ma table de nuit, mais sinon je le porte tout le temps », confie-t-il dans France Dimanche.
Malheureusement, le décès du chanteur a réveillé de vieilles tensions. Ni Romain, atteint de sclérose en plaques, ni Michèle Torr n’ont assisté aux funérailles organisées le 24 avril 2020. La chanteuse explique que cette absence est en partie due à l’état de santé de son fils, mais aussi à l’attitude de l’entourage du défunt, en particulier de Véronique Bevilacqua, l’épouse de Christophe.
Mariés depuis des décennies, le couple n’avait jamais divorcé, mais vivait séparé depuis longtemps. Pour Michèle Torr, Véronique a toujours rejeté Romain et entravé sa relation avec son père.
Ce ressentiment s’est cristallisé à l’annonce des obsèques. Organisées en pleine crise sanitaire, elles se déroulaient dans un cadre intime, mais certaines exclusions ont été vécues comme des blessures profondes. Non seulement Romain, mais aussi le frère et les nièces de Christophe n’ont pas été conviés.
Pour Michèle Torr, cela témoigne d’un rejet injustifié et d’une volonté délibérée de couper certains liens familiaux. « Pourquoi autant de méchanceté ? » s’interroge-t-elle. « Il n’a rien demandé d’autre que de connaître son père. »
Quelques jours avant la mort de Christophe, Véronique avait diffusé un communiqué à la presse, signé de son nom et de celui de leur fille Lucie, désignée comme « fille unique » du chanteur. Une formule qui, pour Michèle Torr, efface symboliquement l’existence de Romain. Un geste qu’elle ne pardonne pas, estimant qu’il nie une réalité que même des années de silence ne peuvent effacer.
Malgré ces tensions, Michèle Torr garde un souvenir ému de Christophe. Elle le considère comme son premier véritable amour et avoue que sa disparition a été pour elle une grande tristesse. Mais la douleur du deuil est doublée par le chagrin de voir son fils, déjà fragilisé par la maladie, confronté à un rejet qui, selon elle, aurait pu être évité.
Quant à Romain, il retient avant tout les dernières années de rapprochement avec son père, ces rencontres discrètes mais précieuses, et bien sûr, le médaillon de Saint-Christophe, qui symbolise à ses yeux la part de lien qui leur appartenait, malgré tout. Cet objet, passé de grand-mère à petit-fils en traversant plusieurs histoires d’amour et de famille, condense à lui seul l’héritage affectif que le chanteur a, volontairement ou non, laissé à ce fils qu’il n’a pas voulu reconnaître officiellement.
Aujourd’hui, la page semble définitivement tournée. Mais cette histoire reste l’illustration des complexités des liens familiaux dans le monde des artistes, où vie publique et vie privée s’entremêlent souvent dans un mélange d’admiration, de blessures et de secrets. Christophe laisse derrière lui une œuvre musicale marquante, mais aussi une trajectoire personnelle où l’ombre et la lumière coexistent, comme dans ses chansons.