Le monde du cinéma français est en deuil. Ce samedi 5 avril, une voix singulière et discrète s’est éteinte : celle de Pascal Obier, réalisateur passionné et homme de conviction. L’annonce de son décès a été faite sur le réseau social X par le journaliste Jean-François Guillo, à la demande de Sophie Saintrapte, l’épouse du cinéaste.
Mais derrière cette disparition, c’est toute une histoire intime, artistique et profondément humaine qui ressurgit, dévoilant les zones d’ombre et les éclats de lumière d’une vie dédiée à l’art et à la vérité.
Pascal Obier, figure moins connue du grand public mais respectée dans les cercles du septième art, a mené une carrière aussi riche qu’indépendante. Il débute modestement dans le domaine du documentaire, s’intéressant très tôt aux marges de la société, à la parole des invisibles, à ces récits qui échappent aux projecteurs. Son engagement artistique, radical et sincère, le conduit à croiser le chemin de Jean-Luc Godard dans les années 60.
Assistant sur plusieurs projets du maître de la Nouvelle Vague, Obier s’imprègne d’un cinéma libre, éclaté, profondément politique. Cette période constitue un tremplin décisif. Il s’émancipe progressivement de l’ombre des grands pour bâtir une œuvre personnelle, audacieuse, profondément poétique.
Parmi ses réalisations marquantes, on retiendra Valo, un film contemplatif sur la solitude rurale, ou Le Chant du départ, œuvre élégiaque sur la mémoire ouvrière. Mais Obier n’était pas qu’un homme d’images. Il fut aussi un penseur du cinéma, publiant plusieurs ouvrages sur la mise en scène, le silence comme langage, ou encore la dialectique entre fiction et vérité.
Dans ses écrits comme dans ses films, transparaît un regard bienveillant, lucide, souvent mélancolique, sur la complexité de l’humain.
Mais si l’œuvre de Pascal Obier mérite d’être redécouverte, c’est aussi sa vie intime, bouleversante, qui fait aujourd’hui écho à sa disparition. En 2021, deux ans après le décès de l’actrice Anémone – célèbre pour son franc-parler et ses engagements – son fils, Jacob Bourguignon, décide de lever un doute qui le hante depuis longtemps. Un test ADN confirme ce que sa mère lui avait toujours laissé entendre : son père biologique est bel et bien Pascal Obier.
Cette révélation tardive jette une lumière nouvelle sur la relation entre Obier et Jacob. Malgré l’absence de reconnaissance officielle pendant de longues années, le cinéaste s’était toujours montré présent dans la vie du jeune homme, entre tendresse silencieuse et affection pudique. ”
Ma mère ne m’a jamais caché qu’elle pensait que mon vrai père était Pascal. Récemment, on a fait les tests, et Pascal est bien mon père”, confie Jacob au Parisien, bouleversé. Ce n’est donc pas une simple révélation biologique, mais une vérité existentielle qui se révèle : celle d’un lien qui, bien que resté secret trop longtemps, avait déjà trouvé ses racines dans la proximité des cœurs.
La relation entre Anémone et Pascal Obier, restée confidentielle, s’inscrivait dans un autre temps, celui des années 80, lorsque les deux artistes se croisèrent brièvement. Elle, flamboyante, intransigeante ; lui, discret, introspectif. De cette union est né Jacob, sans que jamais la paternité ne soit officiellement reconnue. Pourtant, à travers les années, une forme de lien s’est maintenue, comme un fil invisible entre le père et le fils, entre l’artiste et l’enfant d’une actrice devenue culte.
Aujourd’hui, Jacob Bourguignon fait face à un double deuil : celui de sa mère, disparue en 2019, et celui de ce père retrouvé trop tard, mais aimé profondément. Cette tragédie intime, révélée au grand jour, touche par sa sincérité. Elle rappelle à chacun la fragilité des histoires humaines, l’urgence parfois de dire, de reconnaître, de transmettre.
La disparition de Pascal Obier marque ainsi la fin d’un chapitre discret mais essentiel du cinéma français. Si son nom ne brillait pas dans les palmarès, son influence souterraine, sa fidélité à un cinéma exigeant, engagé, profondément humain, resteront dans les mémoires de ceux qui l’ont connu, lu ou vu. Il laisse derrière lui non seulement une œuvre à redécouvrir, mais aussi un héritage affectif, tissé de silences et de vérités révélées.
Avec sa mort, c’est aussi une certaine idée du cinéma qui s’efface : celle d’un art libre, sans compromis, où la vie et l’œuvre ne faisaient qu’un. Et pour Jacob, ce fils devenu orphelin deux fois en peu d’années, il ne reste que l’essentiel : l’amour discret mais réel d’un père retrouvé, la fierté d’un héritage artistique et humain, et l’émotion de tourner la page en sachant, enfin, d’où l’on vient.