La vie de VĂ©ronique Jannot ressemble Ă un roman oĂč chaque chapitre alterne entre lumiĂšre et obscuritĂ©, entre instants de grĂące et Ă©preuves dĂ©vastatrices. Peu dâartistes auront autant marquĂ© le public tout en affrontant, dans lâombre, des tempĂȘtes intimes capables de briser les plus solides. Son parcours, fait de rĂ©silience et de rĂ©invention, illustre cette capacitĂ© rare Ă transformer la douleur en force, et les blessures en sources dâinspiration.

Au tournant des annĂ©es 1970, la jeune VĂ©ronique est en pleine ascension. RĂ©vĂ©lĂ©e au grand public par la sĂ©rie Le jeune Fabre en 1972 sous la direction de CĂ©cile Aubry, elle enchaĂźne avec succĂšs Paul et Virginie puis Aurore et Victorien. Son sourire lumineux, sa sincĂ©ritĂ© dĂ©sarmante et son visage franc sĂ©duisent immĂ©diatement les tĂ©lĂ©spectateurs. En 1979, elle tourne Le Toubib aux cĂŽtĂ©s dâAlain Delon.
Elle nâa que 22 ans, une carriĂšre prometteuse devant elle, quand un malaise vient bouleverser son destin. Le diagnostic tombe comme un couperet : cancer de lâutĂ©rus, forme agressive. Lâannonce dĂ©truit ses rĂȘves, notamment celui de la maternitĂ©. La chimiothĂ©rapie sâimpose, et avec elle, un tunnel de souffrance : perte des cheveux, fatigue extrĂȘme, perte dâidentitĂ© fĂ©minine.
« CâĂ©tait comme si on mâavait arrachĂ© une partie de moi-mĂȘme », confiera-t-elle plus tard. Ă plusieurs reprises, lâidĂ©e dâen finir lui traverse lâesprit. Pourtant, une Ă©tincelle subsiste : peut-ĂȘtre un instinct de survie, peut-ĂȘtre la volontĂ© de ne pas laisser la maladie Ă©crire la fin de lâhistoire.
En 1981, la rĂ©mission survient. Cette mĂȘme annĂ©e, on lui propose un rĂŽle qui changera tout : JoĂ«lle Mazart dans Pause CafĂ©. Elle y incarne une assistante sociale au grand cĆur. DerriĂšre les dialogues, elle glisse ses propres cicatrices, et le public dĂ©couvre une femme forte, compatissante, alors mĂȘme quâelle revient dâun combat contre la mort. Ce rĂŽle devient une vĂ©ritable catharsis et un triomphe tĂ©lĂ©visuel. La France entiĂšre sâattache Ă ce personnage et, par ricochet, Ă la femme qui lui donne vie.

La vie sentimentale de VĂ©ronique est elle aussi marquĂ©e par la passion et la tragĂ©die. En 1980, lors dâun shooting, elle rencontre Didier Pironi, pilote de Formule 1. Câest le coup de foudre, mais il est mariĂ©. Leur relation se vit dans lâombre, faite de promesses murmurĂ©es et de week-ends volĂ©s. En 1982, Pironi se brise les jambes lors dâun terrible accident Ă Hockenheim.
VĂ©ronique met sa carriĂšre en suspens pour rester Ă son chevet. Mais cinq ans plus tard, alors quâil court en offshore, un accident en mer lui est fatal. Pour elle, câest un cataclysme : « Une partie de moi est morte avec lui ». Convaincue que ce choc rĂ©active son cancer, elle refuse de nouveaux traitements et se tourne vers les mĂ©decines douces. Contre toute attente, elle survit. Mais le vide laissĂ© par Didier ne se comblera jamais.
Au milieu des annĂ©es 1980, elle croise le chemin de Laurent Voulzy. Leur duo DĂ©sir, dĂ©sir devient un succĂšs marquant. En privĂ©, leur relation est tendre, fondĂ©e sur lâadmiration et le rire. Pourtant, leurs chemins diffĂšrent : elle aspire Ă la stabilitĂ©, lui demeure un crĂ©ateur insoumis. Ils se sĂ©parent sans drame au dĂ©but des annĂ©es 1990, mais VĂ©ronique gardera toujours pour lui une affection indĂ©fectible. « Mon attachement pour lui durera jusquâĂ ma tombe », confiera-t-elle.
PrivĂ©e dâenfants biologiques, VĂ©ronique choisit de rĂ©inventer la maternitĂ©. En 2005, elle fonde lâassociation Grain dâavenir pour venir en aide aux enfants tibĂ©tains en exil. Câest dans ce cadre quâelle rencontre Migmar, une fillette de huit ans quâelle parraine et accompagne. Le lien devient si fort quâen 2013, VĂ©ronique prend une dĂ©cision radicale : elle adopte Migmar.

Ce geste dâamour bouleverse son quotidien. Ălever une adolescente, câest affronter ses blessures invisibles, ses colĂšres imprĂ©visibles, ses rĂȘves parfois trop grands. VĂ©ronique parle dâun « tsunami », une vague joyeuse et dĂ©stabilisante. Migmar, de son cĂŽtĂ©, doit apprendre une nouvelle langue, de nouveaux codes sociaux et surtout Ă faire confiance.
Ensemble, elles construisent un lien mĂšre-fille solide, basĂ© sur la patience et lâamour inconditionnel. Aujourdâhui, Migmar a 25 ans, rĂȘve de cinĂ©ma et partage ses crĂ©ations sur sa propre chaĂźne YouTube : preuve que ce choix courageux a plantĂ© des racines solides.
Mais la vie rĂ©serve encore des Ă©preuves. En 2019, VĂ©ronique est victime dâune escroquerie financiĂšre orchestrĂ©e par un certain Robert L., un Suisse charismatique qui, pendant dix ans, monte une pyramide de Ponzi. DĂźners parisiens, yachts Ă Ibiza, appartements Ă GenĂšve : tout semblait crĂ©dible. Lâillusion sâeffondre quand un investisseur ruinĂ© alerte la police. Plus de dix victimes, entre huit et quinze millions dâeuros dĂ©tournĂ©s.
Certains perdent tout, dâautres ne peuvent plus financer leurs traitements. Pour VĂ©ronique, la douleur dĂ©passe la perte matĂ©rielle : câest la confiance trahie qui fait le plus mal. LĂ encore, elle refuse lâamertume. MĂ©ditation, philosophie bouddhiste, refus du cynisme : elle puise dans ses armes intĂ©rieures pour traverser cette nouvelle tempĂȘte. Elle en tirera un livre, Le prĂ©sent est mon refuge, vĂ©ritable mĂ©thode de survie fondĂ©e sur lâacceptation et la sĂ©rĂ©nitĂ©.
Aujourdâhui, VĂ©ronique mĂšne une vie simple dans le Var, auprĂšs de sa chienne Tao. Pas de chirurgie esthĂ©tique : son visage raconte son histoire, ses rides sont les chapitres dâune vie traversĂ©e sans fard. Elle entretient son corps par le yoga, les vitamines et un rituel quotidien de silence. Elle continue de jouer, avec la luciditĂ© de celle qui connaĂźt la fragilitĂ© des instants. Ses spectateurs, nombreux, tĂ©moignent encore de lâimpact de ses rĂŽles.

Toujours curieuse, elle rĂȘve encore de voyages inĂ©dits : nager avec les baleines, rencontrer les gorilles des montagnes. Sa philosophie pourrait se rĂ©sumer Ă une phrase : « Ă quoi bon sauver son corps si lâon ne sauve pas son Ăąme ». Dans un monde oĂč les coups pleuvent parfois sans prĂ©venir, VĂ©ronique Jannot continue de marcher, le cĆur ouvert, prĂȘte Ă affronter les tempĂȘtes, mais toujours tournĂ©e vers lâhorizon.