«Je ne m’interdis plus rien» : les multiples facettes de l’acteur Pio Marmaï
Par Pierre De Boishue, pour Le Figaro Magazine
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Pio Marmaï est à l’affiche du nouveau film de Carine Tardieu, «L’Attachement» Frédéric Stucin / Pasco / Frederic Stucin
RENCONTRE – L’acteur s’illustre dans L’Attachement, le nouveau film de Carine Tardieu où il joue un jeune père de famille accablé par la disparition de sa femme, mais réconforté par sa voisine. Un rôle marquant, qui démontre toute son aisance dans le registre de la gravité.
Il s’accorde actuellement quelques semaines de repos. Pio Marmaï ne les a pas volées. Le comédien ne vient-il pas d’enchaîner, en l’espace de trois ans, une douzaine de films ? Parmi eux : les deux volets des Trois Mousquetaires de Martin Bourboulon, où il campait Porthos, Yannick de Quentin Dupieux ou Une année difficile d’Éric Toledano et Olivier Nakache. Une belle série qu’il achève en beauté en donnant la réplique à Valeria Bruni Tedeschi dans le long-métrage de Carine Tardieu, L’Attachement.
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Il y campe Alex, un jeune père de famille dont la femme décède durant l’accouchement et qui essaie de réapprendre à vivre aux côtés de sa voisine célibataire. Un rôle marquant, qui démontre (enfin ?) son aisance à camper des personnages tout en contraste. Loin de la relative légèreté à laquelle il avait davantage habitué les spec tateurs. « À la lecture du scénario, j’ai été très sensible à la trajectoire d’Alex comme à la construction de l’histoire, confie l’acteur. Il y a un démarrage hyperviolent avec ce deuil, puis une suite qui tend vers quelque chose d’un peu solaire. »
Tempérament fougueux
Du tournage, il n’a rien oublié. D’abord parce que sa femme était enceinte à ce moment-là. « Bien sûr, cela faisait un peu écho avec l’homme que j’étais en train d’interpréter, poursuit-il. C’est une œuvre sur la perte, mais aussi sur la paternité. » Il s’est ensuite investi dans sa mission avec ardeur, n’hésitant pas à sacrifier ses heures habituelles de sommeil pour jouer l’abattement. D’un tempérament plutôt fougueux, il s’est aussi plié de bonne grâce à la direction (exigeante) de Carine Tardieu.
J’ai plongé dans l’inconnu. C’était troublant. Au point que j’ai eu l’impression de voir le travail de quelqu’un d’autre quand je me suis vu à l’écran
Pio Marmaï
« C’était très technique, une sorte de chorégraphie permanente, se rappelle-t-il. Cette façon de faire m’a permis d’oublier des réflexes de jeu. J’ai plongé dans l’inconnu. C’était troublant. Au point que j’ai eu l’impression de voir le travail de quelqu’un d’autre quand je me suis vu à l’écran. Aujourd’hui, j’ai davantage besoin de travailler avec des réalisateurs qui me surprennent et moins besoin d’être rassuré. Est-ce lié à l’âge ? Forcément. J’aurais été probablement moins enclin à me glisser sous les traits de ce personnage il y a quelques années. Je ne m’interdis plus rien. »
Formation théâtrale
En témoigne notamment son choix d’apparaître en octobre prochain sur Netflix dans la série Nero où il prêtera ses traits à un assassin au cœur du Moyen Âge et donnera la réplique à Alice Isaaz. « Une fiction assez violente avec une touche de drôlerie, précise-t-il. Le tournage a été un des plus éprouvants et des plus géniaux que j’ai jamais connus. Ce fut un travail énorme. »
Soucieux d’évoluer dans tous les registres, il retrouvera aussi l’univers de Pierre Salvadori, qui l’avait déjà sollicité pour Dans la cour (2014),En liberté ! (2018) et La Petite Bande (2022). La fidélité fait partie des traits de caractère de ce bon vivant, plutôt discret, qui confie devoir sa vocation artistique à ses parents – chef costumière à l’Opéra de Strasbourg et scénographe. « Ils m’emmenaient notamment à La Biennale de Venise. Ils m’ont fait rencontrer des artistes, des plasticiens, des metteurs en scène… C’était comme un vivier, une époque très vibrante. J’étais confronté à de vrais créateurs. »
Plus tard, il croisera la route de nouveaux mentors dans les écoles de théâtre et sur scène, avant de faire une entrée tonitruante dans l’univers du cinéma avec Le Premier Jour du reste de ta vie (2008) de Rémi Bezançon, qui lui valut une nomination au César du meilleur espoir masculin. « Quand j’ai découvert ce monde et ressenti la richesse que procurait le fait de travailler avec 50 personnes au service d’un même film, j’ai eu aussitôt le déclic », conclut Pio Marmaï. Une flamme qu’il n’a jamais perdue, par la grâce de son solide « attachement » à son art.